Au cœur du problème, une incompréhension mutuelle Michèle Mazel

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Michèle Mazel

(Crédit photo : © 2023 Alexi Rosenfeld)

Israël au bord de l’abime ? Comment en sommes-nous arrivés là ?  Comment réconcilier l’image que l’on se faisait de l’État juif avec ces manifestations, ces foules haineuses ?

Et d’un côté comme de l’autre, le même drapeau, le même cri de ralliement : démocratie !

Les uns se battent pour la sauvegarder, les autres pour la restaurer.

Dans ce tragique dialogue de sourds,  la coalition au pouvoir, élue il y a moins d’un an, affirme que du fait de la majorité absolue dont elle dispose au parlement – 64 voix sur 120 – elle peut légitimement poursuivre une vaste réforme. Spécifiquement, changer la composition de la Cour Suprême pour mettre fin à ce qu’elle qualifie comme relevant de son activisme ; en cause, selon elle, le fait que  les quinze membres, non élus, mais cooptés, s’arrogent le droit d’annuler tant les décisions du gouvernement que les textes votés par les parlementaires.

Pour les dizaines, et souvent des centaines de milliers d’opposants qui manifestent semaine après semaine à travers le pays, une telle réforme mettrait fin à l’indépendance du système judiciaire et sonnerait le glas de la séparation des pouvoirs, lesquels seraient tous aux mains du gouvernement.

Ils affirment que tous les sondages d’opinion démontrent que la coalition a perdu la confiance du public et ne survivrait pas à de nouvelles élections.

D’éminents juristes soutiennent avec la même véhémence ces deux thèses ; néanmoins on peut affirmer sans crainte de se tromper que la majorité du public serait bien incapable de porter un jugement éclairé.

Il parait cependant probable que le fossé n’est pas aussi vaste et qu’un compromis, se traduisant par une réforme certes, mais de moindre ampleur, est loin d’être introuvable. De fait, Yair Lapid et Benny Gantz à la tête des deux grands partis d’opposition, ne seraient pas hostiles à un dialogue constructif menant à des concessions de part et d’autre.

Seulement l’intransigeance des « jusqu’auboutistes »  rend actuellement un rapprochement difficile.

C’est que le choc entre les deux blocs dépasse désormais largement les questions juridiques.

Selon les dirigeants de la coalition, l’opposition est organisée et dominée par d’anciens chefs d’État qui ont pour but de faire tomber le premier ministre et de renverser le gouvernement par tous les moyens ; ils seraient soutenus financièrement par des fonds venus de l’étranger. Ils s’en défendent bien sûr, mais ces accusations font la une de la presse et des plateaux de télévision.

Pour leur part, les protestataires s’élèvent contre les mesures unilatérales que prend le gouvernement qui ferait voter des lois controversées sans concertation et qui envisagerait de  « contrôler la presse ».

Ce qu’il y a de dramatique dans cette situation sans précédent, c’est l’implication de l’armée. On le sait, Tsahal est l’armée du peuple ; elle repose sur la conscription, mais aussi sur l’apport des réservistes qui continuent à se porter volontaires au terme de leur service militaire.

Or un nombre indéterminé de ces réservistes, persuadés que le pays est sur le chemin de la dictature, se refusent désormais à répondre à l’appel. Cette crise est mal gérée par des ministres et hommes politiques qui loin de chercher l’apaisement, font assaut d’injures contre des officiers décorés qui n’ont plus à démonter leur patriotisme.

La crise est suivie de près par les ennemis d’Israël qui se demandent si l’heure est venue d’agir contre un pays affaibli par ses dissensions internes.

Seul rayon d’espoir dans ce sombre tableau, partisans du gouvernement et opposants n’en sont pas encore venus aux mains.

Le premier ministre, qui n’a plus à prouver ses qualités d’homme politique, peut encore trouver une formule répondant aux aspirations d’unité du pays. Le fera-t-il et trouvera-t-il les partenaires nécessaires ?

Michèle Mazel

Michèle Mazel est diplômée de Sciences-Po et licenciée en Droit, et a été boursière Fullbright en science politique.
Pendant plus de trente ans, elle a accompagné de par le monde son mari, le diplomate Zvi Mazel, qui fut notamment ambassadeur d’Israël en Egypte, en Roumanie et en Suède.

Elle en a tiré la matière de nombreux ouvrages – thrillers et romans. Elle contribue régulièrement à plusieurs organes de presse.

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