Centcom ou le rapprochement discret Israël – Qatar

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Début juillet 2022, des responsables militaires israéliens se sont rendus au Centcom, (siège des forces américaines au Moyen-Orient) situé à Al Udeid… au Qatar. La visite s’est inscrite dans le cadre d’un remaniement sécuritaire qui a placé Israël dans la zone de responsabilité du commandement central américain.

Aussi, et depuis 2021, des rencontres régulières entre responsables militaires israéliens et qataris (dans la base aérienne militaire américaine) consolident le rapprochement d’Israël et du Qatar, même si, pour l’heure, la normalisation des relations diplomatiques entre les deux pays n’est toujours pas à l’ordre du jour.

L’intégration d’Israël au sein du Centcom date de septembre 2021. Elle s’est avérée logique lorsque le Bahreïn et les Émirats arabes Unis (suivis du Maroc et du Soudan), ont normalisé leurs relations diplomatiques avec l’État juif, lors de la signature des accords d’Abraham (initiés par l’ancien Président américain Donald Trump). 

La base militaire américaine d’Al-Udeid est la plus grande du Moyen-Orient. Le centre de commandement des forces américaines s’y est établi en 2006 (après son déménagement de l’aéroport de Doha où il était installé depuis 2002).

Il a abrité jusqu’à 10.000 soldats américains (sur un total de 60.000 au Moyen-Orient), outre un contingent de la Royal Air Force britannique, de l’armée qatarie et des forces de l’armée française, dont le nombre total est de l’ordre de 13.000 hommes. Pour sa part, Tsahal n’a jamais précisé le nombre de responsables militaires israéliens intervenant au Qatar.

Sur un plan opérationnel, le Centcom dispose d’une plate-forme parfaitement adaptée pour les avions ravitailleurs KC-135, les bombardiers lourds, les avions de transport, et les avions de reconnaissance et de surveillance opérant au Moyen-Orient.

S’il n’existe pas de relations formelles entre Israël et le Qatar (tous deux proches alliés des États-Unis), la récurrence des visites de responsables militaires israéliens au Qatar devrait renforcer les liens stratégiques entre les deux pays. D’ailleurs, le Qatar a admis (le 3 février 2022) l’existence d’une « relation de travail » avec l’État juif, ce qui devrait progressivement impacter l’attitude des pays arabes qui n’ont pas encore normalisé leurs relations avec l’État juif.

Il est vrai qu’à la différence des autres pays du Golfe (qui ont l’Iran comme ennemi commun avec Israël), le Qatar joue un jeu complexe d’équilibriste, ménageant à la fois ses relations avec les États-Unis, les pays du Golfe, l’Iran, et Israël.

En effet, le Qatar partage avec l’Iran le plus grand gisement de Gaz naturel au monde. Il n’a donc aucune raison de se froisser avec la République Islamique, d’autant qu’en cas d’escalade militaire, il serait particulièrement vulnérable (le Qatar comprend une population de 2.8 millions d’habitants dont seulement 300 000 d’origine qatarie).

Dans le cadre de ses bonnes relations avec l’Iran, le Qatar s’est donc montré favorable à  une reprise des pourparlers pour relancer l’accord sur le nucléaire de 2015. À cet effet, Un responsable qatari s’est rendu à Téhéran en mai 2022. De même, c’est à Doha qu’américains et iraniens se sont retrouvés dans le cadre de négociations indirectes pour relancer l’accord (juin 202).

En 2017, le Qatar s’était attiré l’inimitié de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, du Bahreïn et de l’Égypte en raison de sa coopération militaire avec l’Iran, de son financement des Frères musulmans ou encore de son soutien au terrorisme islamiste. En effet, et outre l’Iran, le Qatar a toujours été un fervent défenseur des Palestiniens. C’est d’ailleurs lui qui finance le média Al Jazeera (dont les commentaires ne sont pas toujours élogieux à l’endroit d’Israël). Doha est également proche du Hamas : au cours des dernières années, les financements qataris en direction de l’organisation terroriste se sont élevés à des centaines de millions de dollars.

Pour autant, le Qatar a toujours servi d’intermédiaires entre israéliens et palestiniens. En 2021, le ministre de la Défense Benny Gantz a rencontré des responsables qataris pour discuter des conditions du versement d’une aide de 500 millions de dollars pour la reconstruction de bâtiments endommagés lors l’intervention israélienne à Gaza au mois de mai 2021. Le Qatar était également intervenu pour parvenir à l’accord de cessez-le-feu entre l’organisation terroriste et Israël.

Plus récemment, lorsque le Qatar a proposé son aide (fin 2021) aux familles palestiniennes nécessiteuses, le ministre de la Défense Benny Gantz a salué son rôle positif et stabilisateur au Moyen-Orient. Bien évidemment, et pour éviter que l’argent ne soit ponctionnée par le Hamas, un nouveau mécanisme a été mis en place (par l’intermédiaire de l’Onu) de sorte que l’argent versé dans la bande de Gaza le soit bien aux familles palestiniennes.

De même, le Qatar verse des sommes substantielles (par l’intermédiaire du Programme alimentaire mondial des Nations Unies) aux palestiniens des zones A et B de Cisjordanie, sous contrôle palestinien.

Pour autant, et malgré son soutien au terrorisme palestinien, le Qatar a toujours entretenu des relations cordiales avec Israël. Le Qatar est, en effet, le premier pays du Golfe qui a établi des relations commerciales avec Israël. S’il a fermé son bureau commercial en Israël (à la suite de pressions exercées par l’Arabie Saoudite), il l’a rouvert, quelque temps après, puis refermé en 2009, à la suite de l’opération israélienne à Gaza contre l’entité terroriste.

En somme, le Qatar jouit d’une bonne réputation au sein de la société palestinienne, (eu égard à son refus de normaliser ses relations avec Israël) tout en conservant de bonnes relations tant avec les Etats Unis et Israël.

En mars 2022, des responsables militaires du Qatar, d’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, d’Égypte et de Jordanie ont rencontré leurs homologues américains et israéliens dans la station balnéaire égyptienne de Charm al-Cheikh pour discuter d’un plan de défense antimissile conjointe. Effectivement, le Qatar n’est pas hostile à, l’intervention d’autres acteurs régionaux comme la Turquie ou Israël.

Le Président américain Joe Biden doit se rendre au Proche-Orient entre le 13 et le 16 juillet 2022. Il y rencontrera le Premier Ministre israélien (à Jérusalem), puis Mahmud Abbas (à Ramallah) et finira sa tournée à Djeddah en Arabie Saoudite. Il entend amener l’Arabie Saoudite à emboiter le pas des pays qui ont déjà normalisé leurs relations avec Israël, en négociant, avec l’Égypte, le transfert à Riyad, deux îles situées en mer rouge.

Si le Qatar n’est pas encore dans cette dynamique (ni n’a fait de déclaration particulière qui le laisserait entendre), il pourrait bien assouplir sa position exprimée en janvier 2022, par laquelle il subordonne une normalisation de ses relations avec Israël à la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël : pour l’heure, les Palestiniens ne sont, ni unis, ni assez mûrs pour avoir un État.

 

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