Israël construit-il lentement une alliance militaire dans le golfe Persique?

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Israeli and United Arab Emirates flags line a road in the Israeli coastal city of Netanya, on August 16, 2020. (Photo by JACK GUEZ / AFP)

14 mars 2021  Sujet: IsraëlRégion: Moyen-OrientMarque du blog: Pilier PaulMots clés: IsraëlEmirats Arabes UnisPaixUne ententeAccords d’AbrahamF-35Militaire

Les mises à niveau des relations existantes ne sont que des mises à niveau et rien de plus. «Accords de paix» est un terme impropre lorsqu’il est appliqué à de telles améliorations.

par Paul R. Pillar

Israël poursuit l’expansion de sa présence diplomatique dans le golfe Persique en promouvant, selon un reportage de la chaîne de télévision israélienne i24News, une « alliance de défense » comprenant lui-même, Bahreïn, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite. Les futurs membres arabes de l’alliance semblent réticents à l’idée de s’aligner profondément sur Israël, mais cette décision met en perspective la récente amélioration des relations entre Israël et plusieurs États arabes. 

Peu d’évolutions ont été aussi exagérément loués que cette mise à niveau, à laquelle quelqu’un a attribué l’auguste étiquette «d’Accords d’Abraham», comme si l’harmonie s’était soudainement propagée entre les adeptes des religions monothéistes du monde. Certes, en général, il vaut mieux que tous les pays d’une région aient des relations complètes avec tous les autres pays de la région que de ne pas les avoir, ne serait-ce que pour garantir que les gens se parlent. Mais le principal moteur des « Alleluyah » proclamés, s’aggisant de l’amélioration des relations israélo-arabes n’est pas une rupture brutale de bonne volonté et de paix. Le gouvernement israélien souhaite plutôt démontrer que la poursuite de la purge de son conflit avec les Palestiniens et la poursuite de l’annexion de facto du territoire habité par les Palestiniens ne condamneront pas Israël à demeurer un supposé « Etat- paria ».

Tout ce que le gouvernement israélien désire affecte de manière significative, bien sûr, la façon dont toute question est traitée dans le discours politique américain. Dans l’affaire à l’étude, cette connexion était particulièrement évidente pendant l’administration Trump, qui a fait la promotion des améliorations des relations, non seulement, pour attirer les postulants prêts à suivre l’exemple du gouvernement israélien, mais aussi pour revendiquer les mises à niveau comme étant de réels «accomplissements» de politique étrangère, au cours d’une présidence marquée par une certaine rareté du nombre de percées de cet acabit. 

Il convient de rappeler que l’administration Trump a dû soudoyer les gouvernements arabes pour qu’ils entament des relations diplomatiques complètes avec Israël. Pour les Émirats arabes unis, le pot-de-vin était constitué par des avions de combat furtifs F-35 et d’autres équipements militaires avancés. Pour le Soudan, c’était le retrait de la liste des pays parrains du terrorisme. Pour le Maroc, c’était la fourniture d’armes supplémentaires et l’abandon de la neutralité de longue date des États-Unis dans le conflit du Sahara occidental. Les contributions (pots-de-vin) démontrent que le déclencheur de l’amélioration des relations n’était pas une nouvelle intention pacifique de la part des parties impliquées. 

Les mises à niveau des relations existantes correspondent exactement à ce type de procédés, et rien de plus. Aucun des États arabes impliqués n’était en guerre avec Israël. Ils avaient déjà une coopération significative avec Israël, y compris sur les questions de sécurité, même sans relations diplomatiques complètes. Le fait que l’Arabie saoudite parlerait à Israël d’une «alliance de défense» en l’absence de relations diplomatiques complètes montre que ces relations ne sont guère le facteur de paix ou de guerre déterminant dans les relations avec Israël. «Accords de paix» est un terme impropre lorsqu’il est appliqué à de telles améliorations. 

Dans la mesure où les améliorations ont un effet quelconque, ce n’est pas dans le sens de la paix. Les « cadeaux » sécuritaires des États -Unis ont déplacé des choses loin de la paix, dans le sens du bras-de-fer avec l’Iran (ou l’Algérie). Le changement de politique à l’égard de la question du Sahara occidental, par exemple, a intensifié les tensions entre le Maroc et l’Algérie et a compliqué les efforts internationaux pour résoudre le problème. 

Toute perspective de paix entre Israël et les Palestiniens n’a été que plus éloignée. La notion de règlement «extérieur-intérieur» impliquant la pression des gouvernements arabes sur les Palestiniens échoue sur le fait que les Palestiniens, en tant que partie subjuguée, n’ont presque plus rien à concéder. Israël est du côté des armes, du pouvoir, de la terre et de la capacité de provoquer le changement. Réduire les coûts diplomatiques pour Israël d’une occupation continue ne fait que réduire encore plus sa tendance à accepter le changement. 

Et dans le golfe Persique, développer des alliances militaires, ou ce que le ministre israélien de la Défense Benny Gantz appelle des «arrangements spéciaux de sécurité», aiguise et intensifie les lignes de conflit. Cela entraîne les Arabes du Golfe dans l’inimitié persistante d’Israël envers l’Iran qui est liée à des menaces d’attaque militaire. (La semaine dernière, dans un bruit de bottes, Gantz a parlé publiquement de listes de cibles iraniennes qu’Israël est prêt à attaquer.) Il reproduit à plus petite échelle le système d’inimitié et d’alliances enchevêtrées en Europe qui a contribué à conduire à la Première Guerre mondiale.

Le principe général selon lequel il est bon pour tous les pays d’une région d’avoir des relations complètes avec tous les autres pays de la région signifie tous les pays. Dans la région du golfe Persique, cet objectif serait avancé grâce à un forum à participation inclusive, en partie sur le modèle de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et conçu pour réduire les tensions et accroître la coopération pacifique dans le Golfe. Ce serait un développement qui mériterait d’être étiqueté comme une réelle nouveauté et présenté comme une réalisation.

Paul Pillar a pris sa retraite en 2005 après une carrière de vingt-huit ans dans la communauté du renseignement américain, au cours de laquelle son dernier poste était officier national du renseignement pour le Proche-Orient et l’Asie du Sud. Auparavant, il a occupé divers postes analytiques et de gestion, notamment en tant que chef d’unités analytiques à la CIA couvrant des parties du Proche-Orient, du golfe Persique et de l’Asie du Sud. Le professeur Pillar a également siégé au Conseil national du renseignement en tant que l’un des membres originaux de son groupe d’analyse. Il est également rédacteur en chef de cette publication. 

Image: Reuters

nationalinterest.org

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