Vers un ordre politique mondial…purgé de l’Islam politique ?

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Vers un ordre politique mondial…purgé de l’Islam politique ?

Le 13 août 2021, les talibans sont parvenus à reprendre le quasi contrôle de l’Afghanistan. Subsistent encore quelques poches à conquérir dont la capitale, Kaboul, qui devrait tomber de façon imminente. La presse internationale s’en émeut voire impute, aux Etats-Unis et à l’occident, une trahison du peuple afghan. Il n’en est bien évidemment rien. Le départ des américains de l’Afghanistan n’est que l’application de l’accord signé à Doha (Qatar) le 29 février 2020 entre les Etats Unis et les talibans, prévoyant un retrait dans un délai de 14 mois. En tout état de cause, si la conception de la vie en société, telle qu’envisagée par les talibans, ne correspond pas à celle des occidentaux, il n’appartient pas aux européens ou aux américains de dicter à l’Afghanistan quel doit être son mode idéal de gouvernance. C’est aux musulmans d’Afghanistan qu’il revient de le faire. En d’autres termes, les afghans et plus généralement les musulmans vivant dans des pays musulmans doivent tirer les conséquences de l’échec des modèles musulmans de gouvernance étatique et se choisir un ordre politique, purgé de l’Islam politique.

 

L’accord de Doha, signé en mars 2020, a organisé le cadre du départ des Etats-Unis d’Afghanistan (après 18 ans de présence) : les américains ont été interdit de recourir à la force contre les talibans ou d’intervenir dans les questions internes du pays. Pour leur part, les talibans ont été chargés d’assurer la protection des intérêts américains, dans l’attente du départ des troupes américaines. Enfin, l’accord a prévu l’ouverture de négociations de paix avec le gouvernement Afghan, accompagné d’un échange de prisonniers. Rappelons, d’ailleurs, que la présence américaine sur place ne se justifiait plus : les Etats-Unis s’étaient fixés, en 2001, de déloger le pouvoir taliban qui refusait de livrer Oussama Ben Laden (auteur des attentats du 11 septembre 2001), ce qu’ils ont réussi à faire. Pour autant, les conséquences de l’intervention américaine n’ont pas été anodines : 1000 milliards de dollars ont été dépensés pour former l’armée afghane (sans trop de résultat), 2000 GI sont tombés et 30 à 60 000 civils afghans ont été tués.

 

Ainsi, et en vertu des accords de Doha, les talibans ont commencé à reprendre le contrôle du pays, en mai 2021 (au début du retrait américain), avec pour objectif d’appliquer et de faire respecter les lois coraniques, c’est-à-dire en réinstaurant les principes islamiques de la charia dans tous ses aspects de la vie quotidienne, publique ou privée. Pour se faire, les talibans vont islamiser à nouveau les moeurs, la justice, et faire correspondre les comportements des afghans, aux prescriptions d’Allah. Eu égard au peu de combat ayant accompagné la reprise du pouvoir, il semblerait que les afghans l’aient acceptée, voire se soient résignés.

 

Du point de vue occidental, le mode de vie préconisé par les talibans n’est pas particulièrement enviable. Rappelons qu’avant l’éviction des talibans du pouvoir, Le Ministère pour « la promotion de la vertu et la répression du vice » édictait des règles qui seraient considérées comme privatives de liberté en Europe ou aux Etats Unis : interdiction de consulter les médias (cinéma, télévision,…) d’utiliser des ordinateurs, les outils d’enregistrement et d’écouter de la musique. Dans les établissements scolaires, les cours de sport ou d’art étaient interdits et la plus part du temps était consacré à l’étude des préceptes coraniques. Plus généralement, ce que l’ont considère comme des moyens de distraction en occident étaient rigoureusement interdits par les talibans : jeux d’échecs, billard, danse ou de nombreux sports…

 

De même, les talibans n’ont jamais été animés de cette valeur qui l’on nomme tolérance en occident. Dans leur conception religieuse, les modes de pensées et les connaissances, qui ne s’inscrivent pas dans les préceptes de la Charia, ne sont pas autorisés. Les talibans ont donc été contraints de détruire les bibliothèques (tout comme l’Etat islamique et Daech a détruit des sites antiques de la Syrie, lors de la conquête du pays en 2011). De même, compte tenu de l’absence de reconnaissance des messages religieux autres qu’islamiques, les talibans ont été obligés de détruire les bouddhas (technique qui est à rapprocher des transformations en mosquées de synagogue ou d’église, lors des conquêtes musulmanes).

Notons, également, que le statut des femmes, selon les talibans, ferait bondir les associations de défense des femmes en occident : pour eux, il n’y a pas d’égalité entre les homme et les femmes. Ces dernières doivent être couvertes de la tête aux pieds, ne peuvent étudier à l’école, occuper un emploi rémunéré (l’homme pourvoit seul aux besoins de la famille), ou sortir de chez elles sans être accompagnées par un membre masculin de la famille.

 

Enfin, le système judiciaire, chez les talibans, est aux antipodes de la conception occidentale de la justice : les châtiments corporels y sont prescrits comme par exemple l’amputation pour les voleurs, la lapidation, en cas d’adultère, ou, plus modérément, les coups de fouet en cas de relations sexuelles hors mariage…

 

Pour asseoir et consolider leur pouvoir, les talibans pourront, bien évidemment, profiter de cette manne que constitue la culture du chanvre et du pavot et utiliser les outils médiatiques pour diffuser leur propagande.

Avec l’exemple afghan, on observe qu’une fois encore, deux modèles s’affrontent : le monde de l’Islam et le monde occidental des Droits de l’Homme, centré sur la prééminence de la valeur humaine. Si les afghans n’acceptent pas la nouvelle organisation sociétale qui leur est imposée, c’est à eux qu’il appartiendra de le dire. Autrement dit, les afghans ne sauraient se voir imposer un mode de vie par un groupe d’individus qui entend les terroriser en leur imposant un modèle qui ne leur correspond pas.

 

Inversement, si les afghans sont satisfaits de vivre, à nouveau, sous le joug de personnes fanatiques qui leur dictent leur conduite en les terrorisant, libre à eux. Les européens et américains n’ont sûrement pas à s’immiscer dans ce choix, d’autant que l’armée afghane n’a pas opposé la moindre résistance à cette reprise du contrôle du pays. Vraisemblablement, les afghans ne devraient pas se satisfaire de cette situation.

En tout état de cause, tant que le monde de l’Islam n’acceptera pas le principe de la « séparation de la mosquée et de l’Etat », les musulmans ne pourront pas conscientiser la nécessité de s’ouvrir à l’autre, à d’autres systèmes de pensée, à d’autres systèmes de foi. Sur ce point, il appartiendra à l’Islam d’entreprendre ce travail de remise en question de ses propres principes, tout comme l’Eglise a accepté de le faire en 1962 avec « Vatican II ».

Les musulmans devront admettre, un jour, que, non seulement l’Islam politique ne marche pas mais qu’en outre, personne n’en veut. Les musulmans quittent par milliers leur pays de résidence pour rejoindre les pays où prévalent les droits de l’Homme. Le Hamas est source de problème pour les palestiniens, les libanais se dressent contre le Hezbollah, l’Etat Islamique n’a créé que frustration et désolation. L’exemple afghan devrait bientôt être une illustration de l’élimination musulmane de l’islam politique, c’est-à-dire de la corruption et de la barbarie.

 

Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach

 

Un commentaire

  1. L’Occident aussi connaît cette talibanisation mais à doses homéopatiques jusqu’au moment où il est trop tard.

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