L’Autorité palestinienne a intérêt à apaiser les tensions à la suite de la fusillade entre les forces de Tsahal et des membres de la sécurité palestinienne. La dernière opération à Gaza a sérieusement renforcé la position du Hamas, et sans le soutien de la sécurité israélienne, l’Autorité palestinienne pourrait s’effondrer immédiatement.
Par Yoav Limor Publié le 06-11-2021 12:42 Dernière modification : 06-11-2021 12:42
Photo : Les forces de sécurité effectuent des raids à Jénine le 18 janvier 2018 | Photo d’archives : Police israélienne
Israël a investi beaucoup d’efforts pour tenter d’apaiser les tensions en Samarie à la suite d’un incident au cours duquel deux policiers de l’Autorité palestinienne ont été tués par des tirs de Tsahal à Jénine. Les Forces de défense israéliennes ont commencé à enquêter sur l’opération, qui a dégénéré en une fusillade entre les officiers et une unité antiterroriste israélienne qui a agi pour arrêter deux suspects soupçonnés d’être impliqués dans les récents attentats, par peur que les terroristes n’intensifient leurs activités et finissent par prendre la vie d’Israéliens.
Compte tenu de la menace posée par les suspects, qui se sont comportés de manière criminelle et ont fréquemment changé d’adresse, l’unité antiterroriste ainsi que l’unité opérationnelle de l’agence de sécurité du Shin Bet ont été chargées de procéder aux arrestations. Les arrestations devaient être effectuées par des unités secrètes déguisées en Arabes (mista’aravim) afin qu’elles puissent s’infiltrer parmi les suspects. L’opération n’a pas été coordonnée avec les services de sécurité de l’Autorité palestinienne, de peur qu’ils ne divulguent les informations et ne contrecarrent l’arrestation des suspects.
L’arrestation en elle-même n’était pas inhabituelle. Les suspects décident souvent de riposter dans l’espoir d’éviter l’arrestation. C’est ce qui s’est passé jeudi; l’un d’eux a été tué par balle, tandis que l’autre a été blessé et arrêté. Cependant, les tireurs ont ensuite ouvert le feu sur les forces de Tsahal depuis une zone à côté d’un bâtiment servant pour les forces de sécurité palestiniennes à quelques dizaines de mètres.
Des sources militaires ont déclaré que les coups de feu mettaient en danger les agents antiterroristes et, par conséquent, ils ont été contraints de riposter par des tirs immédiats ; un tireur embusqué de l’unité a tiré sur les Palestiniens, tuant deux d’entre eux et en blessant un troisième.
L’enquête sur l’incident cherchera à répondre à quelques questions centrales : les officiers palestiniens ont-ils compris qu’il s’agissait d’une opération de Tsahal, et si oui, pourquoi ont-ils tiré ? L’unité antiterroriste savait-elle que des officiers palestiniens se trouvaient à proximité, et si oui, qu’ont-ils fait pour limiter le risque ? L’opération aurait-elle pu être coordonnée avec eux en temps réel ?
En réponse aux affirmations faites à Jénine, jeudi, selon lesquelles les officiers palestiniens ont riposté par des coups de feu après avoir essuyé des tirs de l’unité antiterroriste, un responsable de Tsahal a déclaré que sa force était sous une menace immédiate et a agi par légitime défense. La version israélienne semble plus crédible car, dans des opérations de ce genre, la force tentera de rentrer en territoire israélien dès que l’objectif aura été atteint et avant que des menaces supplémentaires – qu’il s’agisse de coups de feu ou d’émeutes – qui menacent la force et pourraient conduire à à une escalade, ne se se développe. La directive permanente pour les forces opérant à l’intérieur de la zone A est de ne pas entrer en contact avec les forces de sécurité palestiniennes, il est donc peu probable qu’une unité entraînée comme l’unité antiterroriste s’en soit sciemment écartée.
Appels à la vengeance à Jénine et Naplouse
On peut supposer que Tsahal présentera les conclusions de ses enquêtes aux Palestiniens dès que possible dans le cadre des efforts visant à apaiser les tensions là-bas. À Jénine et à Naplouse, où résidaient les officiers palestiniens tués lors de l’incident, des appels à la vengeance ont été lancés. L’inquiétude est qu’une variété d’individus, des responsables de la sécurité palestiniens, des membres de la branche de base Tanzim du Fatah, aux membres du Hamas qui voudraient profiter de l’incident pour augmenter les tensions en Cisjordanie puissent mener des attaques.
A première vue, l’Autorité palestinienne a clairement intérêt à apaiser les tensions. La dernière opération dans la bande de Gaza a sérieusement renforcé le Hamas, et sans le soutien de la sécurité israélienne, l’Autorité palestinienne pourrait immédiatement s’effondrer. Il est donc douteux qu’elle risque une confrontation avec Tsahal. D’un autre côté, une majorité de successeurs potentiels du président de l’AP Mahmoud Abbas caressent la possibilité d’un futur partenariat politique avec le Hamas et pourraient maintenant essayer de prouver à la rue palestinienne qu’ils ne sont pas moins “militants” que le groupe terroriste.
Entre-temps, les responsables de Tsahal ont décidé de ne pas renforcer leurs troupes en Cisjordanie. Néanmoins, un responsable militaire a qualifié la situation de « volatile » étant donnée, entre autres, la confrontation croissante autour de l’avant-poste illégal d’Evyatar : ces dernières semaines, des milliers de Palestiniens ont manifesté dans la région, et les choses s’intensifient chaque semaine, au point où deux manifestants ont été tués par des tirs de Tsahal), entre autres, avec les encouragements de l’AP.
Les tensions en Cisjordanie étaient également au centre des recommandations des responsables de la défense de ne pas autoriser la “marche du drapeau” qui avait été prévue pour jeudi suite aux craintes que les tensions ne reprennent dans le Sud et dans les villes mixtes judéo-arabes. Cette patate chaude roule maintenant jusqu’à la porte du nouveau gouvernement, qui n’aura pas le luxe d’une minute de grâce et devra prendre une décision immédiate quant à la façon dont il envisage d’agir vis-à-vis de l’arène palestinienne et de ses nombreux composants.