Pascal Boniface se dit « ostracisé » sur « liste noire » par les médias (« le lobby juif »?)

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Dans une vidéo publiée récemment le géopolitologue Pascal Boniface indique qu’il est victime, je le cite « d’une mise à l’index », d’une « campagne contre lui pour l’empêcher d’être présent dans certains médias », sur France Culture notamment.

Emmanuelle Daviet : Dans une vidéo publiée récemment le géopolitologue Pascal Boniface indique qu’il est victime, je le cite « d’une mise à l’index », d’une « campagne contre lui pour l’empêcher d’être présent dans certains médias », sur France Culture notamment. Des auditeurs s’interrogent, ils nous ont écrit pour savoir si le directeur de l’IRIS était vraiment sur une liste noire… Que peut-on leur répondre Sandrine Treiner ?

Sandrine Treiner : Le procédé employé par Monsieur Pascal Boniface est très singulier. Alors qu’il est invité sur tant d’antennes, il semble considérer que ce n’est pas assez. Il se répand sur YouTube, mais aussi sur son blog sur Médiapart, sur Twitter, sur le fait qu’il ne serait jamais invité sur  l’antenne de France Culture et que nos producteurs précaires ne l’inviteraient pas pour ne pas prendre le risque de se fâcher avec leur direction. C’est donc grave. Il parle, je cite,  de « liste noire » et même de « censure ».  Je voudrais commencer par dire que je suis très étonnée par ces attaques violentes ad nominem, sur les réseaux sociaux, venue d’une personnalité que ses responsabilités devraient obliger. Ce sont des pratiques que je conteste et que j’interroge, mais on y reviendra.  Je  réponds à nos auditeurs. C’est très simple : il n’y a jamais eu de consignes de ne pas l’inviter. Et puis, j’ajoute qu’il n’y a pas non plus d’obligation à le faire.  Pour être précise, j’ai demandé à mon équipe une petite recherche : il a été davantage, bien davantage, invité depuis que je suis directrice qu’avant. Les faits sont têtus. Voici les chiffres : 5 invitations entre 2011 et 2014. J’ai été nommée en 2015. Près d’une vingtaine d’invitations depuis, dont six en 2019 et notamment dans Les Matins. Les dernières fois au journal de 12h30 sur le G7, aux Matins sur la guerre de Wuhan, ou aux Enjeux Internationaux sur l’enseignement de la géopolitique. Son assertion est donc tout simplement mensongère.  J’ai retrouvé dans mes mails des correspondances que j’ai eues sur le sujet avec lui, qui s’inquiète très régulièrement de sa visibilité dans les médias. Un échange en 2017, par exemple, où je lui répondais très aimablement et il m’écrit le 17 mai : « Je sais parfaitement que vous n’intervenez pas dans les choix. ». Le 16 novembre 2020 ,c’est récent, il m’écrit encore, me félicite que les experts de l’IRIS soient souvent reçus à l’antenne et s’ouvre de son propre sort en écrivant : « Je sais que ce n’est pas de votre décision que vous favoriser la diversité des opinions ». Alors oui, d’excellents chercheurs de l’IRIS sont régulièrement invités sur notre antenne et nous avons du reste un partenariat aux Enjeux Internationaux avec le trimestriel de l’IRIS dont Pascal Boniface est le directeur.  

Dans son ultime prise de position, Monsieur Boniface s’interroge: « Est-il normal que sur le service public, une telle liste noire existe ? », prétendant ainsi qu’elle existe. Il jette le trouble sur tout le service public. C’est grave. Tout ça n’est vraiment pas sérieux et jette un drôle de trouble sur le chercheur lui-même.  

Je voudrais quand même articuler une question à mon tour, parce que je voudrais préciser que les livres qu’il a écrits et qu’il cite comme explication de l’éloignement de l’antenne de France Culture, dont je serais responsable, datent de 2003, pour « Est-il permis de critiquer Israël ? » et de 2012 pour « Les Intellectuels faussaires : Le triomphe médiatique des experts en mensonge », livre que je n’ai malheureusement pas encore lu. Son livre suivant d’ailleurs, a été co-écrit avec Hubert Védrine, qui est un des intervenants réguliers, comme vous le savez, de l’Esprit Public. Alors, une question : que sous-entend Monsieur Boniface quand il affirme qu’il serait rédhibitoire pour lui de prendre des positions critiques sur le gouvernement israélien ou sur des personnages médiatiques importants ? Quel est le rapport entre le journal Le Monde, ma consœur de France Inter, Laurence Bloch, moi-même et les positions de Pascal Boniface sur Israël ? Sans commentaire. Il va de soi qu’on ne répond pas aux injures et aux assertions mensongères sur les réseaux sociaux et que je ne le ferai pas. N’en déplaise à Pascal Boniface, qui aimerait probablement entretenir ainsi son activité numérique. Ce sera sans moi.

Emmanuelle Daviet : Merci pour cette réponse. Effectivement, c’est l’occasion du rendez-vous de la médiatrice que de pouvoir répondre à toutes ces questions. Et donc, je rappelle que depuis que vous êtes en poste, Sandrine Treiner, il a été invité une vingtaine de fois.

Sandrine Treiner : Tout à fait et je crois vraiment qu’il faut faire extrêmement attention quand on a des responsabilités comme les siennes à la tête d’un institut important comme l’IRIS, d’éviter d’entretenir des idées fausses sur des listes noires qui n’existent pas.

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Rappels : Le protecteur des croyants en l’Islamisme fréquentable : Pascal Boniface

  1. Une simple note suffit : l’importation programmée du conflit

Nous venons d’évoquer, par voie de pétition et rassemblements, des plateformes ou plaques tournantes, lieux de convergences douteuses, consacrées à l’altération subtile de la pensée humaniste par contagion. Comment favoriser le ralliement de courants d’opinion disparates n’ayant souvent rien en commun entre eux ? Qu’est-ce qui pourrait rapprocher l’extrême-gauche ultra-laïque et la gauche républicaine, les banlieues inflammables et l’Islamisme, jusqu’aux antipodes  des cercles marginaux d’extrême-droite liés aux dictatures moyen-orientales ? Une polémique éclate en juillet 2001. Elle va faire du bruit dans les coulisses du Parti Socialiste, aux affaires depuis 1997.

Pascal Boniface est le fondateur de l’IRIS, en 1990, un des premiers Think-Tanks créé en France de façon apparemment indépendante. Les vice-présidents de son Conseil d’Administration sont : Hubert Védrine, inventeur de la notion « d’hyperpuissance », pour qualifier les Etats-Unis ; Roselyne Bachelot et Alain Marsaud. Renaud Donnedieu de Vabres, mis en examen pour l’imposition de Ziad Takieddine comme entremetteur dans « l’Affaire Karachi », s’en est écarté. Parallèlement, le patron de l’IRIS a offert ses conseils à Jean-Pierre Chevènement, lorsque celui-ci choisit « de démissionner », plutôt que « de fermer sa g.» (Première guerre du Golfe), puis de Pierre Joxe, à la Défense et à l’Intérieur.

En avril 2001, il envoie une note interne à François Hollande et Henri Nallet, où il les enjoint d’adopter une ligne plus radicale contre l’Etat Hébreu. Dans celle-ci, il n’omet pas de sensibiliser ses interlocuteurs aux nouvelles données de la démographie électorale. Il questionne alors « l’efficacité d’une ligne politique « trop »[1] favorable à l’Etat Juif, alors que l’influence de l’électorat originaire de pays qui soutiennent la cause palestinienne est grandissante ». Dans un éditorial du Monde, le 3 août de la même année, il menace explicitement la « communauté juive, qui, à trop permettre l’impunité du gouvernement israélien […] pourrait être perdante. […] La communauté d’origine arabe et/ou musulmane est moins bien organisée, mais elle voudra faire contrepoids et pèsera très vite numériquement ».

Bien qu’il s’en défende en Justice, érigeant l’équité en principe d’arbitrage entre les peuples, P. Boniface est le premier théoricien à introduire la variable de la ségrégation communautariste à l’encontre de Juifs de toute opinion, représentés par des institutions qu’il saisit comme un bloc monolithique [ un « lobby » ou « Etat dans l’Etat, « au service » de l’étranger] pro-droite israélienne, dans le débat républicain. En contrepoint, tout originaire d’un pays arabo-musulman, selon sa lecture proprement « raciste » (sic : Mahomed Sifaoui, aux positions nuancées sur le dossier palestinien et sans concession pour les Islamistes) nait et meurt forcément « anti-israélien » et seule cette parole sectaire mérite d’être portée au pinacle par un futur élu socialiste. L’originaire de tel ou tel pays, communauté, ne saurait s’exprimer que selon la vision de son « pays » (d’origine) ou groupe. Il n’est donc pas avant tout citoyen français, sujet doué de réflexivité, susceptible de controverser, moduler son propos ou de changer d’avis. Dès ce moment, on entre de plain-pied dans le conflit en sapant toute force de « dialogue intercommunautaire » et autres voix dissidentes dans le monde « arabe » (incidemment, kabyle, kurde, druze, chrétien maronite ou d’Irak, copte…) et en France.

Comment, dès lors, maintenir ou restaurer la règle républicaine, au-dessus de la mêlée ? Comment peser diplomatiquement au Moyen-Orient, si l’on est juge et parti ?

Comment être sujet libre, conscient des apports et travers de sa communauté d’origine, pour ces identifiés « arabes ou musulmans », alors même qu’on exige du Juif Français lambda qu’il devienne hypercritique envers l’Etat Juif ou perde tout droit de cité ?

Autrement dit, P. Boniface tue dans l’œuf « l’individu », au sens porté par la Révolution Française de 1789 ou la « diversité », nouveau crédo laïc. Il disqualifie toute ligne d’équilibre. Il ne peut y avoir qu’un perdant (la communauté juive) et un gagnant (les puissances montantes de « l’Islam » politisé). Pour faire pencher la « balance », il rappelle la force du nombre comme déterminant dans le calcul clientéliste électoral. Or, on sait l’équation démocratique en risque de devenir bancale (totalitaire), lorsqu’elle fait taire les minorités et les dissidents. Ou le tort d’avoir raison seul contre tous.

Si on peut contester les conséquences de son analyse, au nom même des principes républicains, P. Boniface semble néanmoins poser une juste intuition sur le poids croissant de l’identité médiatique et le recul constant de l’identité nationale comme valeur d’intégration, maillage du « vivre-ensemble » porté par l’Etat-nation. Ce n’est, bien sûr, pas sa missive qui « importe le conflit » à elle seule, mais le travail d’érosion des grands médias à thématiques, qui spécialise les publics et audiences, individuelles et communautaires au détriment de l’identité collective. Opportuniste, il comprend que la « cause palestinienne » est un formidable levier identificatoire, désignant un adversaire à exclure et dont il faudrait neutraliser l’influence supposée, pour des masses d’origine musulmane en manque chronique d’unicité, même religieuse, dans le pays d’accueil. Les identités médiatiques sont les formes de représentation publique qui ne reçoivent jamais leur légitimité auprès des institutions que d’avoir déjà été préalablement médiatisées et publicisées. Si ce « lobby musulman » n’existe pas encore, à force de manipulation de la « cause à défendre », certains leaders d’opinion vont pouvoir peser dans le débat public et subvertir les règles et principes établis. Les hommes politiques sont appelés à accompagner ce mouvement ou à en subir les contrecoups électoraux.

Bon nombre de citoyens juifs se situe encore à gauche, en 2001. Ils sont, en tout cas, très partagés et inquiets du climat incendiaire au Proche-Orient. Plusieurs personnalités du PS, mais aussi Elie Barnavi, -universitaire, historien, grand amateur de culture française- alors Ambassadeur d’Israël, s’émeuvent des insinuations à peines voilées de Boniface. Barnavi est un opposant à la politique de Sharon à l’époque et plus tard, l’initiateur de J-Call en Europe. Le Parti Travailliste israélien est membre de l’Internationale Socialiste, au même titre, du reste, que l’OLP. Ce camp, tenu pour détenir le « monopole de la paix » en Israël, est mis en difficulté, puis en minorité, par le déclenchement de la Seconde Intifada. Or, selon Boniface, il faut être « moins favorable à l’Etat Juif », non à tel ou tel changement de pouvoir, guidé par les données de terrain et le jeu démocratique.

Le climat politique interne est empoisonné par la répétition des saccages de synagogues, d’agressions de citoyens portant kippa et surtout l’inertie de Daniel Vaillant, Ministre socialiste de l’Intérieur crispé sur les impératifs de « la paix sociale ». Le premier « flic de France » se refuse à appeler un chat antisémite par son nom, lorsqu’il ne s’agirait, à l’entendre, que de « jeunes de banlieue », enclins à la délinquance parce qu’exclus sociaux. L’Omerta règne durant de longs mois. Le clivage n’est alors pas surmonté, à gauche, sur l’impératif de sécurité comme valeur républicaine[2], rappelé par Lionel Jospin, lors du Colloque de Villepinte, en octobre 1997. Il faudra attendre Manuels Valls en 2012, pour que ce principe s’affirme. Et encore, cela ne se peut qu’au prix de la stigmatisation de la République comme régime « d’Apartheid » (sic.), en février 2015… Hubert Védrine, Ministre des Affaires étrangères et futur N°2 de l’IRIS, y va de son couplet assassin : 

« On ne doit pas forcément se sentir choqué, parce que de jeunes Français d’origine immigrée ont de la compassion pour les Palestiniens et se montrent extrêmement agités en voyant ce qui se passe »[3].

La violence, le lynchage d’innocents simplement concernés par l’appartenance, deviennent des formes « d’expression » politique tolérée. Cela peut s’appeler de l’incitation. Quelle est en 2015 la portée de ces approbations en cascades de l’ultra- violence « excusable » ? Clairement à l’époque, le représentant du Quai d’Orsay tient les citoyens français de confession juive pour coresponsables de l’évolution du conflit au Moyen-Orient. Par son truchement, la République abandonne la communauté juive à ces vents mauvais, ou la désigne à la vindicte et se met à questionner sa citoyenneté… La proximité, entre cette tirade du fils de Jean[4] et les mises en garde de Boniface, laisse pantois, par leur inclination à favoriser « l’amalgame ».

En 2002, Boniface récidive, lors d’une interview dans le Temps, journal suisse. Il y affirme que les Etats-Unis ont « fait une erreur en n’incluant pas Israël dans l’Axe du Mal »[5]. En 2003, P. Boniface réplique à ses détracteurs, semblant tous participer d’un complot contre sa personne et les idées qu’il dit défendre, de « liberté intellectuelle ». Il publie : « Est-il permis de critiquer Israël ? », chez R. Laffont.

C’est un bréviaire d’affirmations péremptoires. Il y stipendie Anne Sinclair comme « la figure de proue des Ultras-Pro-Israéliens », lorsqu’elle est encore la journaliste politique trop aimée, à son goût, des téléspectateurs français et l’épouse d’un certain DSK, futur favori éphémère, comme les papillons de nuit, de la Présidentielle 2012. Autres perles, P. 24 : « Les parlementaires qui refusent le boycott des produits israéliens se sont totalement solidarisés avec le gouvernement Sharon ». Ou page 153 : « Quoi d’étonnant, en effet, dans cette convergence Le Pen-Sharon ? Les deux éprouvent des sentiments très proches à propos des Arabes ». Que peut donc savoir Boniface des « sentiments éprouvés » par tel ou tel, au-delà du procès d’intention ? Le Pen ne mettra jamais les pieds en Israël. Qui connaît la biographie de Sharon sait le serment qu’il a fait à son père que jamais ne se reproduise une situation comme « l’Altalena », où les Israéliens de droite et de gauche se tirent dessus. Mais aussi à quel point il chercha l’appui de la gauche des kibboutzim, du retrait de Yamit dans le Sinaï jusqu’à celui de la Bande de Gaza, via la fondation de Kadima, avec S. Peres, l’homme d’Oslo. Qu’il soit haï des Pro-Palestiniens – du fait de son commandement de l’Unité 101, première force spéciale israélienne ou de son manque d’éveil, face aux exactions des Phalangistes, en 1982 – ne justifie en rien qu’on lui colle une étiquette de « raciste » à la mode FN ou autrichienne, dans le contexte des politiques migratoires européennes.

Le processus consiste, par le recours à la litote, l’anachronisme ou l’hyperbole (« ultra-pro »…), à enfermer toute parole juive ou proche d’Israël – tolérant son existence tout en choisissant un autre destin -, dans la complicité de fait envers un même projet concerté mais souterrain, qui concourt à une seule et même politique linéaire : il ne s’agit jamais que de la version par euphémisme du fameux « complot des Sages de Sion ». Conséquence « logique », le registre explicatif devient celui de la « victime devenue bourreau » (voir : E. Morin), qui procéderait d’un « néofascisme » qui ne dit pas son nom. Sharon, incriminé[6] et démissionné par la Commission Kahane après Sabra et Chatila, cristallisant tant de haines, devient une figure indispensable à la rhétorique bonifacienne. C’est aussi avec Moshe « Booguy » Ya’alon, le vainqueur de l’Intifada.

Les personnalités françaises juives de gauche subissent les mêmes procédés caricaturaux d’extrême-droitisation complotiste ; elles semblent représenter un danger qu’on les prenne en sympathie, parce que conciliant l’existence d’Israël et les mots d’ordre de justice distributive qui ont leurs faveurs politiques.

Le géopoliticien François Thual, directeur adjoint de l’IRIS rompt définitivement, après cette publication qu’il juge en ces termes : « Ce livre est scandaleux et lamentable ». Tour à tour, Alexandra Laignel Lavastine, analyste des pays de l’Est, de la Shoah et soutien des dissidents, se sépare de l’IRIS. Nicolas Sarkozy (UMP), Laurent Fabius (PS), Claude Goasguen (UMP), Baudoin Prot (BNP-Paribas), Patrick Careil (Banque Hervet) et Serge Weinberg (Groupe Pinault, jusqu’en 2005) alors président, démissionnent. Les positions élevées de ces mécontents aiguisent le « mauvais œil » de l’IRIS. L’ouvrage lui vaut l’admiration sans borne d’alter-Juifs revendiqués, comme Guillaume Weill-Raynal (le jumeau).

En février 2000, il a déjà pris à parti Lionel Jospin, pour avoir courageusement appelé, devant un auditoire palestinien, le Hezbollah par son nom : « groupe terroriste ». Cet accès de franchise vaut au Premier Ministre de l’époque une lapidation en règle, de la part des étudiants de l’Université Beir Zeit, près de Ramallah. J. Chirac[7] le rabroue vertement, lui qui est adulé par la « rue arabe », depuis ses esclandres, de nature radicalement différente, contre Netanyahou, à Jérusalem, en 1996. Jospin, le premier à signifier une « rupture » avec la complaisance, vient de s’aventurer sur le terrain miné d’une chasse doublement gardée : par le régime présidentiel chiraquien, qui ne tarit pas d’éloge pour le Ministre des Affaires étrangères ; par le Quai d’Orsay, aux ordres de Védrine, partie prenante à plus d’un titre des reproches adressés au chef de gouvernement. Celui-ci, de n’avoir pas trouvé le « Juste Milieu » et trahi par Chevènement aux élections, s’effacera de la vie politique active…

  • Le legs idéologique de la dynastie Ramadan

Qu’importe les défections. Le Directeur d’Institut se refait une santé, en publiant fréquemment sur oumma.com, le site qui vulgarise les idées de Tariq Ramadan via Internet. Ce personnage a de qui tenir. C’est le préfacier des livres de Youssouf al Qaradawi[8] pour le Conseil Européen de la Fatwa et de la Recherche, auquel il ne ménage aucune marque d’admiration. Il est le petit-fils d’Hassan Al-Banna, concepteur des Frères Musulmans, version moderne du fascisme islamiste[9]. Etudiant belliqueux, Tariq menaçait ses enseignants et son jury de thèse. Il n’a jamais pu obtenir son doctorat, alors qu’il planchait sur les façons de faire passer son ancêtre pour un « Gandhi » du fondamentalisme islamique. D’après un de ses anciens amis : « Il n’en avait rien à faire de la Palestine. Son truc à lui, c’était de devenir footballeur professionnel. Quand il s’est aperçu qu’il était limité physiquement, il s’est rabattu sur l’islam. Ce n’est que du business[10] ». Nous avons donc plutôt à faire à une sorte d’épouvantail fabriqué sur mesure, bombardé « porte-parole » par les médias, sans connaissance solidement acquise, qui s’est contenté de mettre au goût du jour les doctrines d’autrui, au sens propre un « héritier » dirait Bourdieu.

Il est, aussi le fils de Saïd Ramadan, architecte, au cours de la Guerre Froide, sous les auspices de la CIA[11], du recyclage anti-communiste des ex-« SS-Mohamed », les sections spéciales du Grand Mufti[12] en Bosnie, puis aux côtés de l’exterminateur Walter Rauff, avant l’échec de l’opération en Libye, commandée par Rommel. Ramadan père a établi une branche armée arabe en Palestine mandataire, dès 1945. Ses nombreux militants participent à la guerre d’anéantissement du jeune Etat Juif, en 1948. Mais, une photo, datant de juillet 1953, l’immortalise à la droite d’Eisenhower dans le Bureau Ovale[13]. Saïd Ramadan, réfugié en Europe, traite alors avec Bob Dreher, un agent de la CIA installé à Munich. On le considère comme un informateur des Anglo-américains qui aurait travaillé pour la police fédérale suisse (BUPO). Le rapprochement entre le petit Mozart assassiné du football, vulgarisateur des grandes idées du mouvement et le patron de l’IRIS n’a rien de fortuit, dans la continuité de ses aspirations à un « lobby musulman, en France » aussi solide et influent que le seraient les institutions juives, d’après lui.

Selon Michaël Prazan,  Sayyed Quotb[14], le grand penseur fondamentaliste des années 60, a influencé absolument toutes les organisations terroristes islamistes, de la Jamaat al Islamiya à Al Qaïda (il est le mentor d’Al Zawahiri), en passant par le Jihad islamique. Ces organisations se radicalisent à l’égard de la Maison-Mère qui cherche à se faire accepter, tant dans le monde arabe qu’auprès des Occidentaux. Toutes puisent néanmoins aux mêmes sources, comme les deux faces de Janus. Le dissentiment reste tactique : la branche pragmatique feint de composer avec la démocratie pour la subvertir par étapes, tout en soutenant le terrorisme contre Israël (avec la bénédiction de son guide spirituel Youssouf Al Qaradawi). Tandis que les groupes terroristes portent des coups sévères à tous les autres systèmes non-islamistes. Aux présidentielles de 2012, Tariq Ramadan, en bon idéologue du terrorisme intellectuel, affirme que s’il votait en France, il ferait tout pour chasser Sarkozy. Mais il s’empresserait ensuite de construire une opposition contre son successeur pour en faire le jouet du clientélisme musulman (93% de votes favorables à F. Hollande). 

L’attitude courtisane américaine[15] envers la tendance « soft » de la même pièce de monnaie est perceptible dans la tolérance d’Obama et James Clapper (Directeur du Renseignement National US) envers ce mouvement qui relève la tête, après les évènements de février 2011 en Egypte. La politique de soutien aux Frères Musulmans est soulignée dans une directive secrète dénommée : Presidential Study Directive-11, ou PSD-11 (Directive d’Etude Présidentielle-11). Cette orientation a circulé en 2011 et elle démontre le pari fait par l’Administration américaine que la réforme politique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ne serait possible que par l’entremise de ces néo-terroristes modérés, selon certains officiels proches de cette étude classifiée mais révélée par certains médias d’opposition. L’aide financière américaine dont ce pays ne pourrait se passer semblait l’ultime condition de « modération » de cette nébuleuse. Elle n’empêche nullement Morsi de jouer sa partition avec Téhéran, en équilibre subtil avec ses besoins d’investissements du Golfe. Le Qatar et la Turquie, de même obédience, favorisent l’armement et le rôle de fer de lance des radicaux au sein et au-delà de l’ASL, en Syrie. Ceci nous amène à bien des interrogations sur les jeux de miroir, entre ces mouvances surreprésentées en France, dans les arcanes de la Maison Blanche et la contestation montante contre leur détournement des « Printemps Arabes ». Les couloirs migratoires sont-ils sensibles aux remises en cause de cette pseudo-troisième voie « révolutionnaire » ? Ou tendent-ils à idéaliser ces « conquêtes » islamistes comme un modèle à suivre ? 50.000 des 118.000 votants (près de ¾ d’abstention), parmi les double-nationaux tunisiens en France ont voté pour Ennahda. Est-ce par naïveté, faute de mieux, ou par adhésion ? Le parti islamiste, longtemps en exil et disposant de vastes réseaux, avait délégué 2000 bénévoles dans les bureaux français. On chiffre par ailleurs à plusieurs milliers le nombre de ressortissants européens d’origine arabo-islamique combattant pour le Jihad en Syrie. Comment contrebalancer de telles tendances ? A l’heure qu’il est, elles sont encadrées de près :

Pour les pétrodollars saoudiens, selon oumma.com : « cette complaisance euro-étatsunienne a facilité l’établissement d’une structure islamiste, pour accueillir la vague migratoire des années 1970[16] ; elle lui permet de fonder un Conseil islamique d’Europe en 1973, lors du premier choc pétrolier », qui deviendra l’UOIE. « Le « Conseil de Coopération du Golfe » est l’instrument de la diplomatie de l’Arabie, mais la Ligue du Monde islamique (coordonnant l’UOIE) sert d’instrument d’encadrement par excellence des communautés musulmanes de la diaspora. La pénétration des populations musulmanes s’est faite de manière stratégique par la multiplication des centres culturels et religieux et d’institutions spécialisées.  Véritable structure de diplomatie parallèle, la Ligue Islamique est la matrice de l’Organisation de la Conférence Islamique, vaste rassemblement de 57 pays représentant plus d’1, 4 milliard de personnes, pour peser dans toutes les instances de l’ONU ». 

D’après le politologue Fakhreddine Besbes, Arif Ali-Khan, nommé à la Sécurité Intérieure américaine, est justement un des fondateurs de la Ligue Mondiale Islamique, chargé des négociations entre l’Amérique et les mouvements islamistes des Printemps Arabes. Il lui associe 6 autres Frères Musulmans de la Maison Blanche :

  • Mohamed Elibiary, alias « le Qutbiste », qui a rédigé le discours d’Obama appelant Moubarak à démissionner ; puis a dû en faire autant à la suite d’un tweet de louanges au Califat Islamique (« inévitable »)[17], mis sur un pied d’égalité avec l’Union Européenne, au moment où Obama et Kerry se cherchaient une coalition pour le combattre.
  • Rached Hussein : rédacteur du Discours du Caire, en 2009 et conseiller juridique. Etudiant en droit en 2004, il fait l’apologie de Sami Al-Arian, coupable de conspiration pour aide au Djihad Islamique palestinien.
  • Salem El-Marayati, nominé pour travailler avec la NSA, qui a désigné Israël comme premier suspect, après le 11 Septembre 2001.
  • Mohamed Majid, Sécurité Intérieur et conseiller du FBI, Président de la Société Islamique d’Amérique du Nord, affiliée aux Frères Musulmans.
  • Eboo Patel, DSI et conseil d’Obama.

Pour sa part, dès les années 1970, le « vieux continent » constitue une terre de prédication (au « Londonistan ») mais aussi la base arrière des « combattants du Jihad ». En juillet 1995, Hosni Moubarak transmet une liste de 60 islamistes à Interpol. Parmi eux :

  • Ayman Al-Zawahiri, Egyptien, le N°1 d’Al Qaida depuis l’élimination d’Oussama Ben Laden le 2 mai 2011. Il résidait en Suisse (en 1995) avec le titre de commandeur des groupements islamistes en Europe. Adhérant à la formation « Al-Jihad », il a pourtant été condamné à trois ans de prison lors de l’assassinat de Sadate en octobre 1981. C’est peu dire de l’immense souci de neutralité de ses hôtes. A sa sortie de prison, il séjourne en Afghanistan où il cofonde Al Qaïda avant de revenir en Europe. Selon l’Imam Zayed, dans les années 1990, Zawahiri était rétribué par les services secrets soudanais pour monter des opérations terroristes en Égypte. Arrêté par les Russes au Daghestan, en 1996, il ne fait que six mois de prison, en pleine tourmente islamiste dans le Caucase. Des exilés tchétchènes en déduisent qu’il est aussi devenu un agent-double pour le SVR (service extérieur russe).
  • Mohamad Chawki Al-Islambouli, frère du meurtrier de Sadate, Khaled Al-Islambouli. Il a rallié les rangs des combattants anti-israéliens au sud-Liban avant de se rendre à Peshawar. Résidant à Kaboul, Chawkat Al-Islambouli a été condamné par contumace dans le procès des « égypto-afghans ». Il est tranquillement rentré en Egypte après le « Printemps », le 28 août 2011. Sans un froncement de sourcil d’Obama.
  •  Talaat Fouad Kassem, porte-parole de mouvements islamistes en Europe, chargé de la coordination des activités des divers responsables et de la transmission des consignes, des instructions et des subventions entre l’Europe et les militants de base en Égypte (Jamaa Islamiya). Condamné à 7 ans de prison au moment de l’assassinat de Sadate, il a été le premier à rejoindre les rangs des combattants islamistes afghans où il s’est distingué au sein des escadrons de la mort dans des opérations de guérilla anti- soviétique. Avant de s’établir au Danemark, il était responsable des groupements islamistes à Peshawar (Pakistan), point de transit des Moudjahidin vers l’Afghanistan. Il est capturé, lors d’une opération clandestine (extraordinary rendition) américaine à Zagreb, en septembre 1995 et extradé en Egypte. On ne l’a jamais revu.

Des années 1980 jusqu’aux attentats de juillet 2005, Londres reste la capitale mondiale de l’Islam radical et de diffusion au sein des diasporas. Elle comptait parmi ses hôtes les principaux opposants islamistes : le tunisien Rachid Ghannouchi, d’Ennahda, classé par Foreign Policy[18], comme l’un des « grands intellectuels de l’année 2011 ( ?) » ; le soudanais Moubarak Fadel Al-Mahdi ; le pakistanais Attaf Hussein, chef du Muhajir Qawmi Movement –MQM, Karachi- ; ainsi que l’algérien Kamar Eddine Katbane, vice-président du comité du FIS -Front Islamique du Salut : l’un de ses cofondateurs, Ali Beladj, diffuse des vidéos sur Youtube à la gloire du « Lion » (sic.) Mohamed Merah-.

Le site oumma.com prône actuellement une « réconciliation des Frères Musulmans avec le socialisme (sic.) ainsi qu’avec l’Iran » des mollahs, en se débarrassant des deux « béquilles, financière des pays du Golfe et américaine de l’ultra-libéralisme »[19]. On croirait lire le programme stratégique de son compagnon de route de l’IRIS.

  •  Du permis de critiquer le « Lobby » aux diatribes no-limit du Centre Zahra

Boniface s’improvise en avocat du penseur genevois de l’Islamisation de la modernité contre Caroline Fourest et Antoine Sfeir. L’Islamologue au « double-visage » (selon P.A. Taguieff) est signataire de l’Appel des Indigènes de la République. Plus précis, il publie une liste infâme dénonçant comme penseurs « communautaristes » un ensemble d’intellectuels et politiques aux noms à consonance étrangère ou juive de facto assimilés à la « politique d’Israël »[20]. Les glissements sémantiques, d’une pensée à l’autre, comme la similarité dans les titres choisis pour leurs diatribes, apparaissent en filigrane.  Boniface, dans l’ombre de Ramadan, se présente comme intervenant de premier ordre aux Congrès de l’UOIF, la vitrine parisienne des Frères Musulmans ou ses écoles-phares comme le controversé Lycée Averroès. Boniface se rend, aussi aux invitations du Centre Zayyed à Abu Dhabi, en janvier 2002, février 2003. La spécialité de ce Think Tank (disparu) est d’offrir tribune aux négationnistes, comme David Irving, le controversé Jürgen Mölleman, Roger Garaudy recrutés pour la virulence de leurs attaques contre Israël et les Juifs. Chaque prestation de ce type équivaut à une donation d’1 million de $. Mais « l’indépendance » ne mange pas de ce pain-là.

Le patron de l’IRIS soulève encore la polémique, en novembre 2008, en marge du Salon du Livre d’Alger dont l’accès lui est grand ouvert grâce à ses bonnes œuvres antisionistes. A en croire les comptes rendus médiatiques, Boniface appelle à la constitution d’un « lobby musulman ou arabe » capable de défendre son « image à l’instar du lobby juif », au nombre duquel il décompte : Bernard Henri-Lévy, Alain Finkielkraut, Philippe Val, rédacteur en chef de « Charlie-Hebdo »… et Mohamed Sifaoui[21]. En France, sur oumma.com, il dit ne pas croire à un « Lobby Juif », mais plutôt « pro-Israélien » s’étendant bien au-delà de la communauté-cible. A Alger, grâce aux « travaux » de T. Ramadan sur la question juive en France, ce tabou franco-français n’aurait plus cours.  Citation du journal algérien, El Khabar, dont Boniface met en cause la fiabilité :

«  Ces gens disent qu’ils ne sont pas contre les musulmans, mais ils s’en prennent à l’Islam ! Ils entretiennent un discours contradictoire et diffusent la confusion et l’amalgame. D’ailleurs, ils ouvrent les portes à tous les musulmans qui regagnent leur rang et se trahissent comme Mohamed Sifaoui ».

Ce dernier, comme Salman Rushdie, Robert Redeker et tant d’autres –trop nombreux pour tous les nommer ici-, est déjà sous le coup de fatwas, de la part de la nébuleuse Islamiste. C’est encore lui qui révèle dans un livre-entretien le survivant psychique, résilient ou « miraculé » familial, Abdelghani Merah.

De la même façon, aujourd’hui, Boniface exècre l’Imam Chalgoumi, dont il dit qu’il « se renie » en tant que musulman[22], parce que trop proche, à son goût, de la communauté juive. Or, ces personnalités progressistes, objets de son acrimonie ont surtout en commun de fustiger le caractère fasciste de l’Islamisme, tout en appelant les « musulmans modérés » à vivre en bonne intelligence dans le cadre du contrat républicain.

Le patron de l’IRIS prétend que ses propos ont été déformés et… attaque en Justice, non le journal algérois, mais certaines cibles de sa vindicte qui répliquent sur leurs blogs. Il assigne Mohamed Sifaoui, qui l’emporte, ainsi que d’autres détracteurs comme Pascal Bruckner, réservant à Boniface le même sort de l’échec devant la Cour. A l’occasion d’une citation à comparaître de P .Val, l’obsession de son avocat Michel Tubiana (LDH) et lui-même, transpire par la convocation de ce critique en « sa qualité de directeur « d’Actualités Juives-Hebdo » (sic !)[23]. Nouveau journal satirique du « Lobby » ? Ou lapsus prémonitoire des événements tragiques des 7 et 9 janvier 2015, où caricaturistes et Juifs sont associés pour être froidement exécutés par des loups surarmés en mal de hordes, dans Paris ?

Boniface va ruminer sa revanche jusqu’à la publication de : « Les Intellectuels faussaires[24] ». Sa promotion est orchestrée par une campagne de victimisation qui n’est pas sans rappeler celles du Front National, du temps du « Menhir » (surnom de JMLP). Il dit son manuscrit refusé par 14 éditeurs. Ce stratagème ou malchance lui permet de bénéficier d’une couverture exceptionnelle, de la part du tout-médiatique…  Il y instruit le procès intellectuel de tous ceux qui l’ont, soit pris en défaut ou l’ont débouté devant la Cour ; soit –ce sont souvent les mêmes et quelques autres- qui servent de « poil à gratter » de l’Islamisme, mais font clairement la césure (questionnable sur les points de doctrine) entre pratique de la religion islamique et radicalisme politico-religieux. Il est de tous les plateaux, de « Ce Soir ou Jamais » (F. Taddéi) à « C dans l’air » (Y. Calvi), en passant par « On n’est pas couché » (L. Ruquier). Eric Naulleau lui fait une aubade en plaidant la « liberté d’expression » (refrain bien connu). Mais la polémique sur l’originalité de certains passages de son livre rebondit, avec l’Association Acrimed, un observatoire boudieusien (ou bourdivin) des médias. Pour assouvir sa soif de vengeance, il aurait préféré taire ses sources : il apparaîtrait en pleine lumière comme « le plus authentique des intellectuels faussaires »[25], victime du complexe de l’arroseur-arrosé…

Il se rapproche également du courant Soralien, alter-ego de Dieudonné, compagnon de route du FN durant un temps, qui éprouve les sympathies les plus vives pour le Hezbollah et l’Iran des Mollahs. Il est présent à plusieurs conférences successives du Centre Zahra (2010, 2011…), la vitrine légale d’ingérence politique d’Ali Khamenei en France, aux côtés d’Alain Soral. Il ne lui viendrait pas à l’esprit de protester, lorsque celui-ci déclare :

«  Plus la guerre s’éloigne, plus la version officielle sur la guerre est devenue délirante … ce n’est plus qu’un combat du bien contre le mal, le bien étant incarné d’ailleurs par les Juifs, et le mal par tous les autres qui n’adhèreraient pas à cette version et on est aujourd’hui face à ce que j’appellerais une espèce d’hérésie siono-shoatique qui a pris la place du christianisme, du catholicisme … et même qui a pris la place du judaïsme … La Shoah devient la nouvelle religion … »

En quelques années, Boniface a traversé une grande partie du spectre politique : du PSU et du plus classique républicain, le Parti Socialiste, jusqu’au compagnonnage aux côtés de Frère Tariq[26] ou du « Parti Antisioniste » de Dieudonné, Soral et Gouasmi, caricatures sans doute assez fidèles du fond de sa pensée, qui en tout cas ne la contredisent pas. Cette ligue se fait forte « d’éradiquer toutes les forces sionistes de la nation ». Le cheminement de Boniface laisse essentiellement apercevoir la constitution de passerelles et de marchepieds entre les deux causes qu’il défend : position pro-palestinienne dans l’exécration viscérale de tout ce qui est juif revendiqué – sauf les « Intellectuels Intègres », d’après son appréciation : Esther Benbassa, Stéphane Hessel, Edgar Morin, Rony Braumann, Michel Wieviorka… -, israélien et défense de l’Islamisme fréquentable, jusque dans ses mouvances les plus totalitaires.

En novembre 2011, le PS ne reconduit pas l’investiture de plusieurs noms à consonance « israélite », dans le cadre de négociations avec les Verts pour la députation à Paris : éviction de Serge Blisko, Tony Dreyfus, Danièle Hoffman-Rispal, Daniel Goldberg, contre quelques antisionistes virulents dont Elisabeth Guigou ou Yves Contassot. Ce n’est pas tant que ces patronymes soient visés en tant que tels, que cette sorte de marché de dupes qui marque le « remplacement des représentations ». En déboutant quelques noms symboliques pour la position mythique que certains Juifs sont sensés détenir, on flatte les exigences d’image, marchant au mélange populiste entre Bobos des centres et gangs vite échauffés des périphéries. Le terrain est déblayé en prévision d’un projet de loi visant à ce que les étrangers votent aux élections municipales, après s’être séparé de quelques « étrangers de trop vielle souche ».

La citoyenneté juive de France reste, depuis les années 2000, prise en étau par cette vision préfabriquée du conflit palestino-israélien et les surenchères clientélistes qu’il occasionne. On lui somme de prendre parti contre l’Etat Juif, de s’effacer, de ne pas trop mentionner en public l’existence patente d’un antisémitisme musulman[27] ou d’en subir toutes les conséquences, selon la prophétie auto-réalisatrice de Boniface… Même ouvertement renié par le PS, son itinéraire s’achèverait-il en victoire à la Pyrrhus ?

Claude Askolovitch, salarié du Qatar, selon plusieurs sources (I. Rioufol, Libération[28]), qui appelle à ce qu’une femme voilée présente le JT[29], réédite cette même posture de cécité volontaire à l’encontre du Président du CRIF : il lui reproche de ne pas considérer uniquement les musulmans comme des « victimes » et de ne pas lutter contre la « lepénisation des esprits » : conçus comme un bloc homogène, il ne devrait être question de ces ressortissants qu’« en première ligne » à défendre, après les meurtres de l’islamiste Merah et les risques « d’amalgame », censés en découler. C’est bien cette ligne qui l’emporte, à chaque attentat antijuif ou anti-Charlie en France. Il faut protéger la doctrine des agresseurs des éventuelles accusations en bloc des victimes…

L’ambiguïté du terme surmédiatisé « d’islamophobie » permet tous les tours de passe-passe et d’ignorer ainsi la haine propagée au sein de cette communauté, même si tous n’en font pas profession de foi. Remis au goût du jour par l’Ayatollah Khomeiny en 1979, ce concept passe-partout est pratiqué par toutes les ligues de vertu antiraciste, au point d’évoquer un « racisme antimusulman ». Mais l’adhésion de toutes ou partie de larges franges de l’UOIF aux thèses extrémistes du Cheikh Al-Qaradawi n’est-elle pas en soi l’un des facteurs d’une « phobie de l’Islam », quand des « religieux » prétendent servir leur cause, jusqu’à la nausée, en justifiant les attentats-suicides ou les tirs de roquettes contre des civils ?  C’est sûrement la limite d’enquêtes comme celle de l’IPSOS-Le Monde-Fondation Jean Jaurès- Cevipof[30]-,  personne n’est vraiment capable de définir ni d’établir de nuance entre :

  •  la réticence, voire le rejet envers une doctrine religieuse perçue comme liberticide, fondée sur la soumission, la lutte contre toute autre croyance (prônant le meurtre de l’apostat, comme la Mafia à l’encontre du repenti) et donc l’absence de libre-arbitre et de droit à la différence (altérité),
  • de réelles manifestations xénophobes ou/et anti-arabes portant sur une apparence physique ou des traits culturels,
  • une peur diffuse, mais non dénuée de fondement, de la violence djihadiste bâtie sur des traditions de razzia subsistant dans certains phénomènes d’islamo- délinquance qui, parfois, finissent par se conjuguer pour produire des profils (déjà) radicalisés…

Qu’importe les nuances et définitions, Askolovitch s’en prend vertement à Richard Prasquier et « au manque de solidarité » de ceux qu’il représente, dans Marianne[31] : il l’accuse d’être une sorte de dirigeant de ghetto, suppôt de Le Pen et in fine un salaud, bien sûr, « au sens de Sartre » (dont on sait qu’il ne fut pas !), au seul motif d’exprimer l’inquiétude des Juifs de France, quant à la radicalisation incitative de certains amis du futur Président, ouvertement antisionistes et auxquels celui-ci devra partiellement son élection. La presse bienpensante ne saurait tolérer le moindre manquement à l’omerta ambiante, sous peine d’invective et de bordées d’injures. Faites pour cultiver le sectarisme, celles-ci doivent uniquement être réservées à la droite et à la droite de la droite, empaquetées dans un antifascisme de fast-food halal.

Mettant en relief les thèses du guide suprême de l’UOIF, Ramadan et Boniface participent directement du pourrissement du débat théologique, moral et juridique qui agite l’Islam. Ils mettent en minorité auprès des fidèles de cette religion les doctrines adverses, pourtant fondées sur d’autres piliers de la tradition. L’UOIF détient, en France, le quasi-monopole de 1000 des 2500 mosquées existantes, que l’Etat entend bien doubler d’ici 2 ans (le temps d’un mandat et d’une possible réélection ou celle d’un autre postulant de même parti). C’est en partie avec ce puissant organisme maniant, non sans une certaine excellence, la communication d’influence, que l’Etat négocie « l’avenir de l’Islam de France ». Dans le monde arabe, on assiste à un retour en arrière spectaculaire, où aucune instance ne parvient à instaurer la moindre régulation au déchaînement de violence. La situation en Syrie semble devenue la « nouvelle frontière » des lendemains du « Printemps Arabe ». C’est si peu dire qu’ils déchantent. Quant à l’Egypte, terre nourricière de la Confrérie, elle l’a mise hors-la-loi et la combat, au beau milieu des pièges meurtriers du Sinaï et des frontières libyennes…

Par Marc Brzustowski


[1] Les guillemets sont de nous.

[2] Ce débat n’est jamais définitivement tranché, malgré de louables efforts de Manuels Valls, actuellement. Il revient à la surface, de façon récurrente, notamment depuis les émeutes d’octobre 2005, en banlieue parisienne ; ou lors de controverses plus actuelles entre criminologues (de l’école Alain Bauer, Xavier Raufer : La Guerre ne fait que commencer, Éditions Jean-Claude Lattès, janvier 2002) et sociologues ou pluridisciplinaires de la déviance (Ecole L. Mucchielli, qui prétend, contre les faits et crimes récurrents, qu’il n’y a pas d’antisémitisme en France, par exemple).

[3]  I. Eichner, « The Anti-Jewish Aggressions Can Be Understood, » Yediot Aharonot, 15 Janvier 2005

[4] P. Péan, Une jeunesse française. François Mitterrand, 1934-1947, éd. Fayard, 1994. J.P Azéma : « Vichy et la mémoire savante : quarante-cinq ans d’historiographie » dans Vichy et les Français, Fayard, 1992 (direction J.P. Azéma avec François Bédarida) : Jean Védrine, « cagoulard» décoré de la francisque comme F. Mitterrand, y est qualifié de « Vichysto-résistant ». Le successeur François Hollande est de la même eau, fils d’un proche de Tixier-Vignacour (dont le directeur de campagne était J.M.Le Pen en 1965), Camelot du Roi et Croix de Feu.

[5] P. Karsenty : La forteresse vide de Boniface et de ses amis (info # 012605/3). Lundi 26 mai 2003. http://www.menapress.com/article.php?sid=579

[6] La responsabilité d’A. Sharon est indirecte : il n’a pas su prévoir ni arrêter les milices phalangistes chrétiennes libanaises d’Elie Hobeika, cherchant à venger la mort de Béchir Gemayel. Hobeika, agent-double pro-syrien, sans doute devenu gênant pour la Syrie, sera tué dans un attentat, en 2003 à Beyrouth.

[7] E. Aeschimann et C. Boltanski : Chirac d’Arabie, Les Mirages d’Une Politique Française. Paris, Grasset & Fasquelle, 2006.

[8] Le Cheikh Y. Al-Qaradawi, inspirateur de l’UOIF, est favorable aux attentats-suicides contre des civils, à la punition des femmes violées, nécessairement provocatrices et à la mort pour l’apostat. C’est un zélateur d’A. Hitler, instrument du « Châtiment Divin » subi par les Juifs, espérant que « la prochaine fois, si Dieu veut, ce sera les Musulmans » [qui extermineront les Juifs]. Invité à de nombreuses reprises, à l’Institut des Sciences Humaines à Château-Chinon, soit le centre présumé de « formation des imams de France », par Ahmed Jaballah, membre de l’UOIF et du CEFR.

[9] M. Prazan, op.cit.

[10] Mondafrique : Said Ramadan travaillait pour la CIA : www.mondafrique.com/said-ramadan-le-pere-de-tariq-travaillait-pour-la-cia 

[11] http://oumma.com/Le-role-mobilisateur-de-Said

[12] R. Faligot, R. Kauffer : Le Croissant et la Croix-Gammée, les Secrets de l’Alliance entre l’Islam et le Nazisme, d’Hitler à nos jours, Paris, Albin Michel, 1990.

[13]  I. Johnson, Une mosquée à Munich. Les nazis, la CIA et la montée des Frères musulmans en Occident. JC Lattès, septembre 2011, lauréat du prix Pulitzer.

[14] P. Berman, Les Habits neufs de la terreur, 2004, tr. fr. R. Robert, Paris, Hachette Littératures, 2004, p.114, le cite : « Depuis les premiers jours de l’islam, le monde musulman a toujours dû affronter des problèmes issus de complots juifs. (…) Leurs intrigues ont continué… et ils continuent à en ourdir de nouvelles. »

[15] F. Besbes : Le Printemps Arabe, un piège des Islamistes qui ont infiltré la Maison Blanche  http://www.tunisie-secret.com/Le-printemps-arabe-un-piege-des-islamistes-qui-ont-infiltre-la-Maison-Blanche_a335.html

[16]Bat Ye’Or : Eurabia : L’axe Euro-ArabeJean-Cyrille Godefroy, 2006. Les ouvrages de cette auteure sont soumis à une mauvaise polémique, tendant à les faire passer pour « thèses conspirationnistes » (sic : Caroline Fourest, membre de la Fondation Anna Lindh, viscéralement antisioniste. Ou Esther Benbassa, qui l’accuse d’être une « inspiratrice » d’Anders Breivik, le tueur radical norvégien, au seul motif que celui-ci la cite dans son manifeste). Il suffit, pourtant, de se rendre sur le site de ses opposants parmi les plus virulents, oumma.com, pour y trouver la confirmation persistante, détaillée et signée de tout ce qu’elle prétend, depuis les années 1980, à ce sujet.

[17] http://www.clarionproject.org/analysis/homeland-securitys-mohammed-elibiary-caliphate-inevitable

[18] Foreign Policy : Magazine de la gauche libérale américaine, ou New Left, proche de B.H Obama. Y officient les antisionistes Mark Perry, ancien collaborateur de Yasser Arafat et Stephen Walt, l’un des rédacteurs du « Lobby Israélien », stigmatisant le « danger » que représenterait le « fardeau » d’une orientation pro-israélienne pour la politique arabe des Etats-Unis. Soutenu par Zbigniew Brzezinski, par confraternité anti-israélienne.

[19] http://oumma.com/blog/rene-naba/12/02/09/egypte-les-freres-musulmans-au-seuil-du-pouvoir

[20] http://oumma.com/Critique-des-nouveaux T. Ramadan : critique des nouveaux intellectuels communautaires, 3 octobre 2003, pourrait s’apparenter à « Les Intellectuels Faussaires », en 2011, de P. Boniface.

[21] Outre ses reportages sur les réseaux islamistes actifs en France –que lui conteste, sans preuves, Boniface-, on lui doit la courageuse préface du livre de Claude Moniquet, directeur de l’ESISC : Gaza, le Grand Mensonge. Quand la Démocratie Européenne capitule devant l’Islamisme. Les Editions de l’Arbre, Paris, sept. 2009.

[22] http://leplus.nouvelobs.com/contribution/730185-l-imam-chalghoumi-top-mediatique-flop-societal.html

[23] http://pascalbonifaceintellectuelfaussaire.blogspot.fr/.

[24] P. Boniface : Les Intellectuels Faussaires ; Le Triomphe Médiatique des Experts en Mensonge ; JC Gawsewitch Editeur, mai 2011. , 

[25] http://lesnouveauxdemocrates.over-blog.fr/article-pascal-boniface-mais-qui-est-le-veritable-intellectuel-faussaire-86120357.html

[26] C. Fourest : Frère Tariq. Discours, Stratégie et Méthode de Tariq Ramadan. Paris, Grasset et Frasquelle, 2004

[27] P. Simonot : Enquête sur l’Antisémitisme Musulman, de Ses Origines à Nos Jours, Ed. Michalon, Paris, 2010. Fait marquant du Dîner du Crif 2015, le reproche fait à Roger Cukierman, son Président, d’avoir remarqué que tous les assassinats de Juifs, ces 15 dernières années, étaient le fait de « Jeunes Musulmans », bien qu’ils ne représentent pas la majorité.

[28] Le Qatar l’a embauché via sa chaîne BeIn Sport, filiale d’Al Jazeera.

[29] http://oumma.com/17356/claude-askolovitch-reverais-quune-jeune-femme-portant-

[30] http://www.ipsos.fr/ipsos-public-affairs/actualites/2013-01-24-france-2013-nouvelles-fractures : près de trois Français sur quatre (74%) pensent que la religion musulmane n’est pas tolérante et pas compatible avec les valeurs de la société française (contre respectivement 28% et 11% pour la religion catholique et 34% et 25% pour la religion juive).

[31] C. Askolovitch : http://www.marianne2.fr/La-morale-du-Crif-s-arrete-aux-portes-du-ghetto_a217172.html

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