Réfugiés d’hier et d’aujourd’hui, Michèle Mazel

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Arrivee des refugies Ukrainiens en gare de Marseille le 3 mars 2022. Yuliia et son fils Artem de 18 mois sont accueillis par sa famille et les membres de la communaute Emmaus de la Pointe Rouge.

Ce sont des images insoutenables qui tournent en boucle sur toutes les chaines de télévision de l’occident – Russie exclue.

 

Des centaines de civils apeurés couchés à même le sol dans des abris de fortune. Des milliers d’autres entassés dans les wagons de train qui les conduisent vers l’exil.

D’interminables files de voiture cherchant à atteindre une frontière – n’importe quelle frontière. Des femmes, des enfants, des vieillards hébétés cheminant dans la neige et le froid, sursautant à chaque coup de canon ou à l’approche d’un avion.

Toute une humanité prise au piège d’un conflit dans lequel elle n’est pour rien et des millions de civils   forcés de fuir pour éviter les bombardements et l’ennemi qui avance.

Ici et là, un cliché qui interpelle plus que les autres. La maman exténuée qui tient dans ses bras le bébé qu’elle vient de mettre au monde au milieu d’étrangers réfugiés comme elle dans une station de métro. La petite fille qui sert sur son cœur une coquette poupée. La très vieille dame qui chuchote que c’est la troisième fois qu’elle est ainsi jetée sur les routes.

Et les commentateurs qui évoquent d’autres réfugiés. Ceux d’une autre guerre. Des Juifs surtout. Seulement ils ne soulignent pas la différence.

Aujourd’hui, une fois la frontière passée, un incroyable mouvement de solidarité est là pour accueillir les Ukrainiens. Boissons chaudes, nourriture, vêtements, hébergement, hôpitaux de campagne.

Une logistique impressionnante est en place pour diriger les nouveaux venus vers les pays qui se proposent pour les recevoir.

Des autobus sont là pour les y conduire. Bien sûr, tout ne sera pas facile, mais ils sont à l’abri du danger et peuvent garder espoir de retrouver un jour leur pays, leur maison.

Personne n’attendait les Juifs. Les frontières se fermaient devant eux.

Leurs voisins les dénonçaient. Leurs biens étaient pillés. Surtout, c’est la peur au ventre qu’ils erraient à travers une Europe dévastée où ils ne pouvaient espérer aucune pitié. Il fallait à tout pris éviter d’être pris.

Pour ceux qui avaient réussi à rester libres jusqu’à la paix, pour les rescapés des camps de la mort aussi, l’avenir restait sombre.

Les Alliés avaient bien mis en place des camps – encore des camps !, pour ce qu’ils appelaient dans un admirable euphémisme « les personnes déplacées », mais ils n’avaient guère où aller. Retourner dans les pays qui les avaient si facilement abandonnés aux Nazis ?

On sait ce qui est advenu à ceux qui ont tenté de rentrer en Pologne et ont dû fuir devant de nouveaux pogromes. Il y avait bien la Terre d’Israël, leur Terre promise, mais la marine britannique était mobilisée pour leur barrer la route.

Heureusement, d’autres Juifs s’étaient alors aussi mobilisés, mais pour les secourir, trouver les filières qui feraient d’eux des citoyens libres dans le pays de leurs ancêtres.

Cela ne diminue en rien l’ampleur de la tragédie qui frappe le peuple ukrainien et la nécessité de mettre tout en œuvre pour lui venir en aide. Inutile pour cela de faire des comparaisons qu’on me permettra de qualifier d’indécentes.

Michèle Mazel est diplômée de Sciences-Po et licenciée en Droit, et a été boursière Fullbright en science politique.
Pendant plus de trente ans, elle a accompagné de par le monde son mari, le diplomate Zvi Mazel, qui fut notamment ambassadeur d’Israël en Egypte, en Roumanie et en Suède.

Elle en a tiré la matière de nombreux ouvrages – thrillers et romans. Elle contribue régulièrement à plusieurs organes de presse.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Michèle Mazel pour Dreuz.info.

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