24ème Knesset : vers une alliance « Netanyahou- Mansour Abbas » ?

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Le 23 mars 2021, les électeurs israéliens iront aux urnes (pour la quatrième fois en deux ans) afin d’élire la 24éme Knesset. La 23ème Knesset s’est auto-dissoute (en décembre 2020) compte tenu des dissensions entre le Premier Ministre Benjamin Netanyahou et Benny Gantz  (leader du parti « Khahol Lavan »), concernant le vote d’un budget unique pour la période 2020-2021. Eu égard à la recomposition du paysage politique israélien, les prochaines élections devraient voir émerger des coalitions tout à fait originales, dont, une alliance entre Benjamin Netanyahou et le leader du parti arabe Raam, Mansour Abbas. Cette initiative audacieuse pourrait être grandement positive pour Israël : les partis arabes traditionnels qui luttent, non dans le cadre d’un débat démocratique, mais juste pour détruire  l’Etat juif, pourraient être définitivement marginalisés.

Théoriquement, l’alliance entre Netanyahou et Mansour Abbas apparaît contre nature. En effet, le parti Raam n’est autre que le bras politique de la branche sud du Mouvement islamique en Israël. Or, en avril 2019, ce parti s’était allié avec le parti arabe Balad (Alliance démocratique nationale), avant de s’unir (en septembre 2019 et en mars 2020) avec l’ensemble des partis arabes de la Knesset, Hadash (Front démocratique pour la paix et l’égalité), Ta’al  (Mouvement arabe pour le renouveau) et bien évidemment Balad.

Pour autant, cette alliance pourrait sonner le glas de la force politique des partis arabes au sein de la Knesset. En effet, en dépit de leurs divisions idéologiques et de leurs divergences de vue socio-économiques, les partis arabes étaient parvenus à  constituer la 3ème force politique du pays :  en septembre 2019, ils avaient obtenu 13 sièges et en avril 2020, ils étaient devenus (pour la première fois dans l’histoire d’Israël) le troisième bloc politique du pays après le Likoud et Kahol Lavan.

Or, de façon tout à fait surprenante, la liste commune des partis arabes (qui avait synthétisé le vote arabe en Israël) s’est scindée le 4 février 2021. En effet, le parti Raam s’est retiré de la coalition des partis arabes, non en raison de divergences idéologiques, mais, tout simplement, parce que Mansour Abbas a exprimé son souhait de rejoindre une coalition dirigée par Netanyahou. Il avait alors avancé : « il faut regarder vers l’avenir et construire un avenir meilleur pour tous ».

En réalité,  Mansour Abbas  surfe sur le divorce qui en en train de se consommer entre la population arabe israélienne et les députés arabes de la Knesset : à la suite de la normalisation des relations entre Israël et les pays arabes du Golfe (dans le prolongement de la signature des accords d’Abraham), les arabes israéliens s’y étaient montrés favorables alors que la Liste commune des parties arabes avait voté contre à la Knesset.

Le Jerusalem Post s’est lui-même étonné du rapprochement entre le Premier Ministre et le leader du parti Raam. Il a alors titré son éditorial de la manière suivante : « Permettez-nous de vous présenter Mansour Abbas, l’allié inattendu du Premier ministre Benjamin Netanyahu ».

Benjamin Netanyahou pourrait donc bien faire bénéficier le Likoud du soutien arabe israélien pour remporter les élections du 23 mars prochain. Le 3 janvier 2021, il s’est d’ailleurs rendu dans un centre de vaccination dans la ville arabe israélienne de Tira. Il s’est alors exprimé sur le projet d’alliance avec un responsable arabe israélien dans ces termes : « Je n’exclus pas cela. Je vais régler mes problèmes avec le comité électoral du Likoud et nous verrons ».

Quelques jours plus tard, il s’est rendu dans d’autres villes arabes où il a présenté son bilan en matière de soutien aux communautés arabes et ses actions de lutte contre le coronavirus. Lors d’une visite dans la ville arabe de Nazareth (le 13 janvier 2021) il s’est expliqué sur ses craintes passées concernant le vote de la population arabe. En 2015, ses inquiétudes l’avaient amené à déclarer : « les électeur arabes se rendent en masse dans les bureau de vote ». Il a donc nuancé ses propos qu’il dit avoir été mal interprétés

Selon un sondage de la chaîne Channel 13, le parti Raam pourrait obtenir 4 sièges à la Knesset aux prochaines élections. Inversement, si le parti de Mansour Abbas n’atteint pas le seuil de 3,25 %, il n’aura aucune représentation politique à la Knesset.

La démarche de Mansour Abbas n’en est pas moins habile : loin d’être obnubilé par son intérêt personnel, Abbas pourrait bien isoler les partis arabes de la Knesset. En effet, ceux-ci ne se présentent pas comme une force politique d’alternance, mais se bornent à combattre l’Etat d’Israël en tant qu’Etat juif et démocratique. Les dirigeants arabes se présentent d’ailleurs eux même comme des « palestiniens d’Israël ». L’alternative à laquelle les députés arabes aspirent, n’a donc rien à voir avec la politique du pays mais traduit leur volonté de substituer un Etat palestinien à l’Etat d’Israël. Or, ce n’est pas le souhait des arabes israéliens qui sont parfaitement heureux de vivre dans un Etat juif : ils y vivent d’ailleurs bien mieux que les personnes arabes vivant dans n’importe quel pays arabes.

Notons enfin que la tentative de rapprochement entre un parti arabes et un parti sioniste n’est pas nouvelle : lors des précédentes élections, Ayman Odeh (leader de la Liste arabe commune), avait tenté de se rapprocher de Benny Gantz (Kahol Lavan), en vue de former une coalition pour faire tomber Benjamin Netanyahu. Gantz s’y était alors opposé, préférant se rapprocher de son adversaire de toujours, Benjamin Netanyahou. Pour sa part, Yair Lapid n’a pas exclu l’intégration de responsables politiques arabes dans sa liste.  Le 17 janvier 2021 il a d’ailleurs  déclaré : « il est dommage de ne pas l’avoir fait dans la Knesset actuelle ».

En tout état de cause, les bouleversements au sein de la classe politique sont majeurs : Yesh Atid et Telem ont quitté la coalition centriste, faisant explosé la coalition centriste de Gantz alors que le gouvernement d’union formé en mai 2020 n’a finalement duré que sept mois. Lors des prochaines élections, Yesh Atid devrait se présenter seul, c’est dire sans Telem, qui a décidé de ne pas se représenter pour éviter un nouvel éparpillement des voix de la droite israélienne. Pour sa part, la gauche s’est désintégrée, et ne devrait jouer qu’un rôle marginal, sans réel impact sur la politique israélienne.

Or, comme la droite israélienne s’est renforcée au cours des dernières années et que les groupes nationalistes et religieux continuent de représenter une large part de l’électorat, l’alliance entre le Premier Ministre et le parti Raam pourraient être salvatrice tant pour Benjamin Netanyahou que pour Israël.

En effet, elle symboliserait l’entente historique des personnes arabes et des juifs qui se sont toujours parfaitement entendus (lorsque des responsables politiques arabes ne viennent pas créer et attiser une haine entre eux). Pour sa part, Israël pourra enfin appliquer sa loi fondamentale sur la Knesset et exiger des députés arabes (, qu’ils prêtent allégeance à l’Etat juif comme cela est prévu à l’article 15) avant de prendre leur fonction à la Knesset. A défaut, ils en seront exclus.

Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach

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