Israël se prépare à parer les coups assénés par Biden sur l’Iran

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Analyse: Estimant que la nouvelle Maison Blanche suivra le même chemin qu’Obama sur les affaires étrangères, en particulier concernant les aspirations nucléaires iraniennes, les hauts responsables de la défense affirment que le dialogue bilatéral devrait, dans un premier temps, être géré par des responsables de la sécurité qui ont déjà des liens étroits avec leurs homologues américains

Ron Ben-Yishai| Publié le: 01.12.21, 12:06

La semaine dernière, il est devenu clair, même pour ceux qui ne sont pas des experts en politique internationale et américaine, que le gouvernement israélien aura des difficultés considérables à s’adapter à la nouvelle administration américaine.

Premièrement, les valeurs, la politique étrangère et la stratégie du courant dominant du Parti démocrate et de la nouvelle Maison Blanche sont aux antipodes de ceux acceptés par l’administration Trump.

Benjamin Netanyahu et Joe Biden en 2016

Deuxièmement, le gouvernement israélien est perçu, à juste titre, aux États-Unis, comme étant fermement dans le camp Trump. En outre, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a eu une longue expérience éprouvée d’affrontements avec l’ancien président Barack Obama, sous lequel le président élu Joe Biden a passé huit ans en tant que vice-président.

Biden a nommé certains hauts responsables de l’ère Obama aux postes les plus influents de sa nouvelle administration qui entrera en fonction le 20 janvier. Le nouveau président, ayant plus ou moins, rempli le niveau supérieur prévu par son administration, le ministre de la Défense Benny Gantz a demandé à son bureau et à Tsahal de cartographier les questions de sécurité et stratégiques qui seront très probablement sujettes à controverses pour la nouvelle administration.

Ceux qui prennent des décisions en matière de sécurité en Israël voient une différence significative entre les administrations Biden et Trump dans leur approche de base de la gestion et de la mise en œuvre de la politique et de la stratégie. Trump a pris de nombreuses mesures unilatérales, grandioses et uniques, qui reposaient principalement sur des compétences qu’il s’attribuait, à tort ou à raison, et sur une équipe de conseillers qui avaient peur de s’opposer à son opinion (influence, notamment des Eglises évangéliques). Il a essentiellement agi comme un présentateur tout-puissant dans une émission de télé-réalité. Il prenait également souvent des décisions unilatérales fondées sur des considérations de profits et de pertes, sans consulter ni se coordonner avec ses alliés, et même souvent il s’est dressé intentionnellement contre leurs dirigeants.

Benjamin Netanyahu et Donald Trump à la Maison Blanche en 2018

Biden et son équipe, en revanche, sont de fervents partisans du multilatéralisme – coopérant étroitement sur des questions complexes avec des alliés et des coalitions qui partagent les intérêts américains. Et peu importe ce que les dirigeants israéliens pensent des (pauvres) réalisations de l’administration Obama dans le monde en général et au Moyen-Orient en particulier, l’establishment de la défense estime que l’administration Biden est sur le point de suivre la même voie.

À ce titre, les hauts responsables de l’establishment de la défense recommandent que le dialogue avec l’administration Biden soit principalement mené entre les responsables de la sécurité de chacun des deux pays. Ceci n’est pas nécessairement dû à une parenté idéologique, mais plutôt parce que les appareils de défense disposent déjà de plusieurs organes paritaires permanents pour la sécurité, le renseignement et la stratégie.

Ces comités se réunissent à intervalles réguliers, une fois tous les quelques mois, pour discuter de questions d’intérêt commun et ont développé au fil du temps une profonde compréhension mutuelle qui ne dépend pas de qui siège à la Maison Blanche ou à la résidence du Premier ministre à Jérusalem.

Le chef d’état-major de Tsahal, Aviv Kochavi, entretient également des relations étroites avec le président de l’état-major interarmées, le général Mark Milley, tandis que le secrétaire américain à la Défense, le général (à la retraite) Lloyd Austin, ancien commandant des forces américaines en Irak, est une connaissance de longue date de Gantz depuis le temps où ils portaient tous deux en uniforme.

בני גנץ והרמטכ"ל אביב כוכבי עם מארק אלכסנדר מילי

Le principal litige entre le gouvernement Biden et l’actuel gouvernement israélien est l’intention de Biden et de ses hommes de main de revenir au JCPOA, l’accord nucléaire que l’Iran a signé avec les cinq puissances mondiales et l’Allemagne en juillet 2015. Trump s’est retiré de l’accord et a réimposé les sanctions sur les exportations de pétrole de l’Iran et sa capacité à utiliser le système de dédouanement international. Biden et son équipe ont officiellement annoncé que si Téhéran recommençait à respecter les termes de l’accord nucléaire, les États-Unis réagiraient en nature.

Cela signifie que les sanctions paralysantes qui ont détruit l’économie iranienne seront levées et que le pays pourra retourner à l’exportation de pétrole contre paiement monétaire. En retour, Biden a l’intention d’entamer des négociations avec l’Iran sur la modification des clauses problématiques de l’accord nucléaire initial, des restrictions sur son programme de missiles balistiques et la fin de son ingérence régionale.

Personne ne sait exactement ce que l’administration Biden veut obtenir des Iraniens et comment elle y parviendra. Mais l’establishment de la défense israélien estime qu’un retour à l’accord nucléaire initial, tel qu’il a été rédigé, serait un désastre et ferait considérablement avancer l’Iran – dans un proche avenir – pour obtenir des armes nucléaires.

Ce serait particulièrement le cas si les sanctions contre Téhéran étaient levées avant que les Iraniens ne donnent quoi que ce soit de concret en retour. Mais l’establishment de la défense estime également qu’une confrontation avec l’administration Biden dès le début ne serait pas bénéfique et pourrait même nuire aux intérêts israéliens, comme ce fut le cas avec Obama.

Afin d’éviter une telle confrontation, le ministère de la Défense a préparé une série détaillée de propositions et de suggestions à remettre aux Américains pour les aider dans les négociations (si et quand elles commencent) avec Téhéran, dans l’espoir d’influencer également leurs résultats.

L’une de ces propositions possibles est d’exiger de l’Iran qu’il s’engage à ne pas développer ni à fabriquer des missiles balistiques et de croisière capables de transporter une ogive nucléaire, mais à permettre le développement et la production de quantités limitées de missiles à moyenne et courte portée. Dans tous les cas, l’establishment de la défense israélien veut mener ce dialogue sensible avec l’administration Biden à huis clos et sans fuites médiatiques. La question est de savoir si Jérusalem coopérera.

ynetnews.com

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