La controverse de fond sur la dissuasion contre l’Iran se mêle à des batailles sur les ressources et la dignité personnelle: quel est le rôle de chaque organisme et pourquoi le problème se pose-t-il maintenant?
Les différends et les différences d’approche entre le haut du gratin de Tsahal et l’élite du Mossad concernant les questions opérationnelles stratégiques ont existé dans le passé et continueront d’exister dans l’avenir.
Cependant, ces derniers temps, en particulier cette semaine, un tel différend fait surface. Il suffit de suivre la communication en temps réel, à propos des dommages causés au Navire appartenant à des Israéliens dans le golfe Persique la semaine dernière. Le Chef du Mossad , Yossi Cohen a exigé une réponse audacieuse et le chef d’état -major Aviv Kochavi a soutenu une réponse plus modérée, » a rapporté le réseau Keshet News, cette semaine On a déclaré par la suite que l’avis du chef d’Etat-Major a probablement été accepté -. Et la réponse modérée consistait à ce qu’Israël ait attaqué, selon des reportages étrangers, des camps d’entraînement iraniens près de Damas. Il est possible que la publication ait été destinée à faire comprendre aux Gardiens de la Révolution qu’Israël a des réponses beaucoup plus destructrices dans son arsenal opérationnel.
Cependant, il est impossible d’exclure la possibilité que la publication, et ses réactions sur les réseaux sociaux, aient inondé la surface médiatique d’une lutte de pouvoir qui dure depuis longtemps au sein de l’establishment de la sécurité en Israël; Lutte pour la direction et la détermination de la politique opérationnelle dans les relations avec l’Iran, menée entre le chef d’état-major du Mossad Joseph (Yossi) Cohen et Aviv Kochavi. Cette lutte est encore révélée par le Yediot Ahronot disant “que Cohen a désapprouvé un discours de Kochavi, où le chef d’état-major a exprimé ouvertement son opposition à l’accord avec l’Iran.
La controverse est sans aucun doute pertinente et concerne une question fondamentale – qu’est-ce qui découragera (ou dissuadera) le plus les Iraniens à court et à long terme? Mais il y a, à la fois, une lutte pour les ressources et – bien sûr – une question de respect personnel et de prestige.
Dans le contexte de cette lutte se situe la confrontation complexe entre l’establishment de la défense et la communauté du renseignement, Tsahal, le Mossad et le Shin Bet, face aux armes de la pieuvre iranienne. Chacun selon ses propres méthodes et arènes exclusives et également dans des opérations conjointes. La plupart des activités du Mossad sont menées en secret, et on peut estimer qu’en son centre se trouvent la surveillance propre au renseignement et les moyens de faire échouer ou retarder le programme d’armes nucléaires de l’Iran. Cependant, le Mossad joue un rôle très important pour contrecarrer les efforts d’intensification des activités terroristes dirigées contre Israël. Il en va de même pour le Shin Bet, qui se concentre, en plus de lutter contre le terrorisme en Israël, dans les territoires et à l’étranger, sur la sécurisation des installations et des informations en Israël. Les deux organes reçoivent des informations et des renseignements essentiels à leur action de la part des unités de collecte et d’évaluation de la Division du renseignement de Tsahal (AMaN); Surtout de l’Unité 8200 et des Unités d’Intelligence Visuelle (Unité 9900) Il est raisonnable d’estimer que sans le matériel de Tsahal – le Mossad et le Shin Bet auraient tâtonné dans l’obscurité. Il est également courant de penser que dans des destinations lointaines comme l’Iran, le Mossad est seul responsable des opérations de collecte de renseignements et de lutte contre le terrorisme. Il en va de même pour les liens politiques et militaires informels avec les acteurs locaux dans le golfe Persique. Dans la pratique, les forces de Tsahal participent à de nombreux aspects des relations et confrontations avec l’Iran dans la région du golfe Persique et de la mer Rouge (Yémen et Égypte, Bab al-Mandab), et à la surveillance des opérations dans les installations militaires et navales iraniennes, ainsi qu’avec la cinquième flotte américaine basée à Bahreïn.
Coût-bénéfice
Le renseignement de haute qualité en temps réel fourni par les forces armées est également l’infrastructure de base vitale pour les opérations de Tsahal entre les deux pays, la Syrie et l’Irak et à la frontière avec Israël (sur les hauteurs du Golan et dans le Sinaï). En principe, les Forces de Tsahal sont censées être menées “en dessous du seuil de la guerre”; par conséquent, les forces de Tsahal maintiennent généralement une couverture médiatique et ne répondent pas formellement lorsque des informations sont publiées à partir de sources arabes, iraniennes ou étrangères sur telle ou telle action attribuée à Israël. Il s’agit de laisser un «espace de déni possible» aux gouvernements des pays où la MaBaM (Guerre entre les Guerres) est menée pour qu’ils n’aient pas à réagir et ne soient pas conduits à l’escalade et à la guerre, pour des raisons de prestige et de survie politique.
C’est aussi la raison pour laquelle Tsahal consacre beaucoup d’efforts pour frapper «chirurgicalement» des cibles de qualité sans sacrifier de pertes dans des batailles impliquantes et sans dommages accidentels majeurs. Une autre partie est assez souvent médiatisée, il s’agit d’opérations cinétiques au cours desquelles des avions de l’IAF ou des unités terrestres de Tsahal endommagent physiquement les «biens» (ou les personnes) iraniens et les mettent en échec par leurs tentatives d’interception – mais tant qu’Israël ne prend pas officiellement la responsabilité des actions menées, même les Iraniens “passent à l’ordre du jour” (à autre chose), en ce qui concerne les dommages qui leur sont causés, du moins selon des sources étrangères. Ce schéma d’action existe depuis 2013, lorsque Tsahal a commencé à détruire des armements envoyés par l’Iran en Syrie et au Liban afin de stopper les expéditions d’armes de haute qualité («rupture d’équilibre des forces») de l’Iran via la Syrie vers le Liban. Cela a commencé du temps du chef d’état-major Gadi Izenkot, et maintenant au même rythme et avec une sophistication créative au temps de Kochavi. Cela s’explique par l’excellent rapport coût-bénéfice des opérations MaBaM (Guerre entre les Guerres). Au cours de toutes ces années, les Iraniens, leurs alliés et leurs envoyés n’ont réussi que dans quelques cas à riposter contre Israël et, dans la plupart des cas, cette opération a échoué.
De plus, Tsahal crée une dissuasion cumulative parmi les Iraniens et leurs émissaires. On en a un exemple dans la réponse de Tsahal au tir de missiles iraniens (par des milices chiites) sur le territoire israélien au début de 2019, qui a jusqu’à présent dissuadé les Iraniens d’une autre tentative de ce type. On peut supposer que c’est ce qui se passera aussi maintenant, à la suite de l’attaque d’un navire commercial appartenant à des Israéliens dans le golfe Persique. Israël, selon des sources étrangères, et comme on peut le déduire des remarques de Netanyahu, a répondu par une action de Tsahal mais avec des caractéristiques légèrement différentes. Il y a eu des dommages aux infrastructures militaires iraniennes dans la région de Damas, mais à côté, un autre type de dommages, qui laissait entendre aux Iraniens que si les intérêts des civils israéliens étaient lésés quelque part, les intérêts iraniens seraient également en réel danger. Un carton rouge vif, et toujours en dessous du seuil d’escalade.
La dissuasion à long terme par des opérations de MBM en dessous du seuil de la guerre et de l’escalade est la politique que Tsahal et le chef d’état-major Kochavi (comme ses prédécesseurs) recommandent. Cette politique est probablement actuellement acceptée par le Ministre de la défense et le Premier Ministre au moins pour le moment. C’est dans ce contexte que le bras-de-fer dans les coulisses entre le chef du Mossad et le chef d’état-major devrait être examinée. Les opérations du Mossad sont impressionnantes et très importantes à tous égards – mais jusqu’à présent, dans l’épreuve, Tsahal parvient à dissuader les Iraniens plus que le Mossad ne parvient à retarder la progression du programme nucléaire iranien. La différence est que le profil médiatique de Yossi Cohen se démarque bien plus que celle de ses prédécesseurs à la tête du Mossad.