Le vote arabe : enjeu des élections de la 24ème Knesset

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A Druze woman casts her ballot for the parliamentary election at a polling station in the northern Druze-Arab village of Maghar January 22, 2013. . REUTERS/Ammar Awad (ISRAEL – Tags: POLITICS ELECTIONS)

Le 23 mars 2021, les israéliens se rendront dans les urnes pour élire la 24ème Knesset. Eu égard aux dissensions récentes entre les partis de la droite israélienne, le vote des arabes israéliens devrait bien constituer l’enjeu de la victoire. Plus généralement, la multiplicité des partis politiques (de droite comme de gauche) et leurs divergences stratégiques, les incite désormais à séduire (voire à courtiser) le vote arabe : la configuration de la prochaine Knesset devrait en être tout à fait originale. Pour soigner son image auprès des populations arabes israéliennes, le Premier Ministre Benjamin Netanyahou se présente d’ailleurs lui-même comme « Abu Yair » (c’est-à-dire le père de Yair).

Benjamin Netanyahou s’est rendu, au cours de ces trois derniers mois, au sein des communautés arabes, comme il ne l’avait jamais fait, lors des précédentes consultations. Par ailleurs, et sur les réseaux sociaux, il se montre tel un ami des populations arabes israéliennes : on peut ainsi le voir, sur des vidéos de Tik Tok, assis en tailleur, sous une tente de bédouins dans le désert, partageant le café avec les anciens de la tribu.

En outre, il a évoqué la possibilité de nommer Nail Zoabi, premier musulman sur la liste des candidats du Likoud, parmi les membres de son prochain gouvernement (bien que ce dernier ait peu de chance de gagner un siège dans la future Knesset). Les candidats figurant sur la liste Likoud sont d’ailleurs confiants sur la capacité du Premier Ministre de gagner un ou deux sièges grâce aux voix de personnes arabes israéliennes, et ainsi remporter la victoire.

Dans son discours, Benjamin Netanyahou ne manque jamais de rappeler qu’il a compris le souhait des citoyens arabe israéliens de voir leur situation s’améliorer, ce qu’il est en mesure de faire, contrairement aux dirigeants arabes qui se sont toujours opposer au progrès. Il a également rappelé l’importance du nombre de vaccins qu’il avait pu obtenir pour Israël. S’agissant de la sécurité, il a promis des budgets supplémentaires pour mettre un terme à criminalité croissante dans les communautés arabes « résultat d’années de négligence et d’hostilité de la police ». Il a également assuré que les accords d’Abraham passé avec les Etats arabes du Golfe étaient une chance pour eux et qu’ils en seraient, bien évidemment, les grands bénéficiaires.

Notons que bon nombre de politiciens de droite comprennent également la nécessité de gagner des voix au sein de la population arabe israélienne :

Gideon Saar (qui a claqué la porte du Likoud pour créer sa propre formation, Tikva Hadacha, nouvel espoir), fait campagne en reprochant au Likoud, de négliger la sécurité des arabes israéliens.

Pour sa part, Naftali Bennett, dirigeant du parti Yamina, a ouvert « un bureau pour le secteur arabe » confirmant aux populations arabes israéliennes qu’il était aussi attentif à leurs préoccupations qu’à celles des juifs israéliens.

Avigdor Liebermann du parti Yisrael beitenou qui a toujours milité pour la perte de  la citoyenneté des citoyens arabes israéliens qui feraient preuve de déloyauté à l’égard d’Israël, soutient également la nécessité de permettre à la minorité arabe de disposer d’une parfaite égalité en Israël.

Enfin, Eli Avidar s’est permis de critiquer la loi sur l’État-nation, qui marginalise les arabes israéliens en ce qu’elle réserve le droit à l’autodétermination aux seules personnes juives.

On assiste au même phénomène chez les candidats de la gauche israélienne :

Yair Lapid (Yesh Atid) qui s’en était pris aux citoyens arabes israéliens en les nommant de « Zoabis » (nom de l’ancienne députée qui se présentait comme palestinienne de la Knesset), appelle désormais l’ouverture d’une « nouvelle aube » dans les relations entre les juifs et les arbres en Israël : « Nous avons changé, et ils ont changé ».

De même, le leader travailliste Merav Michaeli a fait part de son souhait de s’allier avec la liste arabe commune alors même que Isaac Herzog, ancien dirigeant du parti, reprochait à ses membres de se comporter tels « les amants des arabes ».

Enfin, le parti Meretz comprendra deux candidats arabes dans les cinq premières places. Son dirigeant, Nitzan Horowitz s’en est félicité en ces termes: « Je pense que dans aucun parti depuis la création de l’Etat il n’y a eu un tel ratio d’Arabes par rapport aux Juifs».

Il s’agit d’une nouvelle posture : Benny Gantz (Kahol lavant) avait refusé de former une alliance avec les partis arabes pour faire tomber Benjamin Netanyahou.

Ce rapprochement des candidats israéliens vers les populations arabes israéliennes fait bien évidemment bondir les candidats arabes de la Knesset : pour une grande majorité d’entre eux, il est important, non de trouver une cohésion entre les arabes et les juifs en Israël, mais plutôt de faire naître, au sein de la population arabe israélienne, une conscience identitaire palestinienne, comme s’ils étaient eux mêmes animés d’une double allégeance (comme cela a d’ailleurs souvent été reproché, à tort, aux juifs de diaspora).

Ainsi, Yousef Jabareen, membre de la Liste Arabe Commune, incite les arabes israéliens à ne pas voter pour la liste de Benjamin Netanyahou : « la population palestinienne en Israël n’est pas dupe de l’intérêt soudain de Benjamin Netanyahou pour notre communauté. Son héritage envers nous est celui de l’incitation raciste ». De son côté, Diana Buttu (ancienne conseillère de l’Autorité palestinienne) qui se présente comme citoyenne palestinienne d’Israël a déclaré : « Il s’agit vraiment pour Netanyahu de trouver un autre moyen de nuire à la communauté palestinienne en Israël pour servir ses propres intérêts ».

Plus généralement, les candidats arabes de la Knesset critiquent la stratégie de Benjamin Netanyahou : pour eux, le Premier Ministre ne cherche qu’à diviser la Liste commune. Aussi, lui reprochent-ils son débauchage de Mansour Abbas, dirigeant du parti islamique conservateur de la liste arabe unie (UAL), en mesure de lui apporter les voix requises pour remporter les élections. Effectivement, les derniers sondages indiquent que  Mansour Abbas serait en mesure d’obtenir les 4 sièges indispensables pour entrer dans la Knesset.

Dès lors, les israéliens arabes pros palestiniens fulminent contre ce rapprochement de Mansour Abbas et son alliance possible avec la liste du Likoud. Pour eux, « Il légitimerait un gouvernement qui assiège Gaza, larguerait des bombes sur les Palestiniens, financerait des colonies… ». Ils ne manquent alors pas de critiquer le Premier Ministre : « Quand il s’adresse au public palestinien, il insulte leur intelligence – comme s’ils avaient oublié son incitation à la haine contre eux et son rôle dans l’adoption de lois racistes au cours de la dernière décennie. Il les traite comme des idiots »…

Gageons que les élections restaurent la confiance des populations arabes israéliennes et permettent d’évincer les partis qui se disent « palestiniens » de la Knesset…

Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach

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