Pierre-André Taguieff : « Réponse à une tribune islamo-décoloniale d’universitaires

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Pierre-André Taguieff : "Réponse à une tribune islamo-décoloniale d'universitaires en forme d’aveu"
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Pierre-André Taguieff : « Réponse à une tribune islamo-décoloniale d’universitaires en forme d’aveu »

Tribune

Par Pierre-André Taguieff

Publié le 19/03/2021 à 16:14

Pierre-André Taguieff, philosophe et historien des idées, directeur de recherche au CNRS et auteur d’une cinquantaine d’ouvrages, dont « Liaisons dangereuses : islamo-nazisme, islamo-gauchisme » (Hermann, 2021), décortique une tribune publiée le site BibliObs. Selon lui, en voulant prouver que l’islamo-gauchisme n’existe pas, elle prouve paradoxalement le contraire.

La tribune publiée sur le site BibliObs le 17 mars 2021, « Nous voulons exprimer ici notre solidarité avec les universitaires français », signée par des universitaires et des activistes décoloniaux « du monde entier« accusant Frédérique Vidal et l’État français de « racisme » et d’ »islamophobie » constitue une nouvelle preuve de l’existence de l’islamo-gauchisme en tant que phénomène politico-culturel international. Tout y est : le catéchisme des récents « progressistes » ou « radicaux » et la nouvelle langue de bois décoloniale, néo-antiraciste et « anti-islamophobe » – en réalité « anti-islamismophobe ».

Les intellectuels signataires, eux-mêmes universitaires ou activistes d’extrême gauche (qui se désignent comme « chercheurs et activistes internationaux »), prétendant défendre ceux qu’ils appellent « les universitaires et activistes progressistes et radicaux », leurs homologues en France, y dévoilent leurs positions pro-islamistes et pseudo-antiracistes, lesquelles, à travers la dénonciation d’une « image blanchie de la République » ou l’attaque contre « la gauche blanche », laissent percer un racisme anti-Blancs.

Il faut souligner le fait que la tribune, en écriture inclusive (qui fait partie du tableau), ne distingue pas les universitaires des activistes, et l’on comprend aisément pourquoi : les universitaires signataires sont eux-mêmes tous aussi, et souvent surtout, des activistes, tels Angela Davis ou Achille Mbembe.

« Par l’imprécation et la diabolisation, cette tribune vise à réduire les positions de l’adversaire au pire, à savoir le « colonialisme », le « racisme », l’ »islamophobie » et la « droite » »

C’est l’État français qui est directement visé, en raison de son prétendu héritage colonialiste et raciste : « Les intentions de l’État apparaissent dans le langage utilisé. Le terme relativement nouveau d’“islamo-gauchisme” reflète une convergence beaucoup plus ancienne d’idéologies de droite, coloniales et racistes opposées aux luttes anticoloniales, anti-islamophobes et antiracistes. »

Cette tribune relève de la magie défensive : par l’imprécation et la diabolisation, elle vise à réduire les positions de l’adversaire au pire, à savoir le « colonialisme », le « racisme », l’ »islamophobie » et la « droite » (les islamo-gauchistes français auraient dénoncé plutôt l’ »extrême droite »). On reconnaît les principales figures répulsives de la démonologie décoloniale. Les islamo-gauchistes internationaux considèrent comme une évidence première que « la France reste une puissance coloniale » et que sa politique reflète une « mentalité coloniale ». C’est là en effet l’un des dogmes fondateurs du décolonialisme, que répètent les moulins à prières de la secte internationale. »Ils projettent sur une France qu’ils ne connaissent que par ouï-dire leurs grosses convictions militantes. »

Que dénoncent-ils à l’unisson ? La dissolution du CCIF, organisation islamiste dite anti-islamophobe, qui attaquait systématiquement tous ceux qui osaient critiquer l’islam et l’islamisme ; la loi de 2004 contre le port des signes religieux, et en particulier du voile islamique, à l’école ; les « lois sur l’immigration » ; « la loi islamophobe contre le séparatisme » ; « les lois antiterroristes abusives et discriminatoires » ; le « racisme culturel porté également par l’État », etc. Pour ces intellectuels-activistes « radicaux », les intentions de l’État français seraient claires : « C’est précisément la critique de cette histoire coloniale, de ce qui s’en perpétue, avec le racisme, et l’islamophobie, que l’État souhaite censurer et rendre invisible. » Voilà qui montre notamment comment fonctionne, chez les « radicaux » de campus, la confusion entre l’islam et l’islamisme, qui permet de blanchir l’islamisme au nom de la « lutte contre l’islamophobie ».

Cette tribune, parfaite illustration de la pensée-slogan des milieux décoloniaux et résumé saisissant de leurs croyances dogmatiques, confirme donc la description que nous avons proposée du phénomène islamo-gauchiste et justifie les critiques que nous en avons faites. La bêtise idéologisée a rendu possible un tel aveu involontaire. Un précieux aveu, pour nous qui analysons cette vague idéologique transnationale. Pulvérisé, le déni à la française de la réalité islamo-gauchiste. Nous savons un peu mieux qu’hier ce que pensent les islamo-décoloniaux sans frontières. Nous sommes également mieux à même de comprendre qu’ils pensent dans une niche idéologique, enfermés dans un sociolecte militant saturé de formules creuses. Ils projettent sur une France qu’ils ne connaissent que par ouï-dire leurs grosses convictions militantes. Il faut les remercier de nous offrir cette nouvelle preuve de la justesse de nos analyses. Les études historiques et comparatives des nouveaux jargons de bois et des pensées closes émergentes ont de l’avenir.

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Par Pierre-André Taguieff

marianne.net

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